Changement climatique : vers des eaux plus polluées et des polluants plus toxiques
Comme le remarque Nathalie Chèvre, écotoxicologue suisse, « très peu d’études scientifiques se sont penchées [à ce jour] sur les effets conjoints des modifications du climat et de la pollution chimique » (Chèvre, 2019).
Pourtant, au delà des effets sur les écosystèmes, une détérioration de la qualité de l’eau, de l’air et des sols aurait un impact direct sur la santé humaine. Une eau de mauvaise qualité affecterait également la production agricole, la pêche, l’aquaculture et par conséquent l’économie (Villenave, 2013).
Or, il apparait dans l’état des connaissances actuelles, que les phénomènes en lien avec le changement climatique, bien que parfois contradictoires (voir tableau ci-après), concourront globalement à une augmentation de l’impact des polluants.
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I. L’AUGMENTATION DE LA TEMPÉRATURE MODIFIE LE COMPORTEMENT DES POLLUANTS
L’émission de gaz à effet de serre dans l’atmosphère engendre un réchauffement de l’air… mais aussi du sol et de l’eau. Les observations montrent par exemple que la température des lacs européens augmente actuellement de 0,15 à 0,3 °C par décennie (Agence de l’Eau RMC, 2017).
Or, ce réchauffement a de multiples effets sur le transport et le devenir des substances chimiques dans l’environnement.
1. La volatilisation de certains polluants
Une température plus élevée a tout d’abord pour conséquence d’augmenter la volatilisation (= évaporation) de certains polluants. Ce phénomène qui concerne en particulier les « Polluants Organiques Persistants » (POP) tels que les pesticides et les dioxines conduit à un transfert dans l’air, d’une partie des polluants présents dans les eaux et les sols (Villenave, 2013).
2. Des organismes aquatiques davantage exposés aux polluants
Comme c’est le cas du sucre dans une boisson chaude, la solubilité des contaminants chimiques (= leur capacité à se dissoudre dans l’eau) augmente avec la température.
Une température plus élevée des eaux de surface conduit donc à un transfert d’une partie polluants fixés sur des particules, vers la phase dissoute de l’eau. Or, un polluant dissout est davantage « biodisponible« , c’est à dire qu’il a plus de « chances » de pénétrer dans un organisme vivant via l’ingestion ou la respiration, et d’y exercer une action toxique.
3. Des eaux moins oxygénées
A l’inverse, lorsque la température de l’eau augmente, sa concentration en éléments gazeux diminue. Ainsi, les eaux de surface voient progressivement leurs eaux s’appauvrir en oxygène.
Loin d’être neutre, cette diminution de la concentration d’O2 augmente le risque d’eutrophisation des lacs, des étangs et des cours d’eau. Ce phénomène peut aboutir à une asphyxie du milieu conduisant à la disparition des espèces les plus sensibles (Villenave, 2013).
4. Des polluants qui se dégradent plus rapidement
Un point positif cependant : les températures plus élevées devraient augmenter la vitesse de dégradation des substances chimiques dans l’environnement. En effet, lorsqu’il fait plus chaud, la biodégradation (dégradation par l’activité microbienne) et la photodégradation (dégradation par les rayons du soleil) sont plus intenses (Noyes, 2009).
II. LES SÉCHERESSES ET LES INONDATIONS AGGRAVENT LES POLLUTIONS EXISTANTES
1. Des évènements météorologiques extrêmes de plus en plus fréquents
On le sait, les épisodes de sécheresse deviennent de plus en plus fréquents et intenses. Par conséquent, les cours d’eau et les lacs connaissent des étiages (= niveau d’eau le plus bas) plus marqués, qui conduisent à une concentration des polluants chimiques présents. En clair, comme il y a moins d’eau, les polluants qui se déversent sont moins dilués et leur concentrations sont plus élevées (Chèvre, 2019).
En parallèle, les zones exposées à des pluies extrêmes comme la région méditerranéenne connaissent de plus en plus d’inondations. Ces phénomènes de crues répétées peuvent entrainer la libération dans les eaux d’anciens stocks de polluants* piégés des années en arrière dans les sols environnants ou dans les sédiments des cours d’eau (par exemple les PCB**). Ces pluies de plus en plus intenses peuvent également conduire à une saturation fréquente des stations d’épuration et des réseaux d’assainissement, aboutissant au déversement d’eaux usées non traitées (et donc très polluées) dans les cours d’eau (Noyes, 2009).
Enfin, localement, la fonte des glaciers, qui constituent également des réservoirs de polluants accumulés au cours des années, pourrait aussi engendrer une libération de composés chimiques vers les milieux aquatiques (Villenave, 2013).
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2. Des conséquences néfastes sur la qualité du milieu aquatique et des ressources en eau potable
Durant certaines périodes de l’année, les événements climatiques extrêmes accentués par le changement climatique, pourraient donc aggraver les pollutions existantes d’une rivière ou d’un lac et provoquer (Chèvre, 2019) :
- des dépassements des concentrations en polluants au-delà desquelles des effets toxiques peuvent se produire sur la faune et flore aquatique (concentrations dites « sans effet » : PNEC)
- des dépassements de seuils réglementaires : Normes de Qualité Environnementale (NQE) ou seuil de potabilité ;
- un arrêt de l’utilisation de l’eau de la rivière ou du lac en tant que ressource en eau potable (NB : en France, l’eau potable provient pour moitié des eaux de surface).
*Les polluants stockés dans les sols et les sédiments sont les Polluants Organiques Persistants (POP) (ex : PCB) et les métaux lourds.
**Les PCB (Polychlorobiphényles) ont été massivement utilisés des années 1930 aux années 1970 comme lubrifiants pour la fabrication des transformateurs électriques, condensateurs, ou comme isolateurs dans des environnements à très haute tension. Ces composés se sont accumulés dans les sédiments de cours d’eau et sont notamment à l’origine de l’interdiction de la consommation de poissons pêchés dans le Rhône.
III. LES POLLUANTS DEVIENNENT PLUS TOXIQUES
Selon les travaux scientifiques existants, le changement climatique induirait une augmentation des effets des polluants, et ce pour plusieurs raisons.
1. Un double stress
Les organismes sont soumis à un double stress (Noyes, 2009) :
- Du fait du changement climatique, ils doivent s’adapter à des modifications de leur milieu de vie, en terme de température, d’humidité, de nourriture disponible, etc.
- Et doivent toujours faire face aux polluants toxiques, qui continuent à se déverser dans le milieu.
Dans son blog, l’écotoxicologue Nathalie Chèvre prend l’exemple d’un poisson vivant dans une rivière. Les étés de plus en plus chauds et secs contribueront à réduire le volume d’eau présent dans sa rivière. Cette eau sera également plus chaude. Le poisson devra donc faire face à un milieu de vie moins confortable. A côté de cela, les polluants seront toujours présents, voire même en concentration plus élevée sur certaines périodes de l’année. Conclusion : la survie de notre poisson va être compliquée… (Chèvre, 2019).
2. Une augmentation de la toxicité des polluants
Selon de nombreuses études scientifiques, la hausse de la température, en agissant sur le métabolisme* des organismes vivants, engendrerait une augmentation de la toxicité des polluants (Villenave, 2013).
La survie de notre poisson va être vraiment compliquée…
Ces conclusions montrent que le changement climatique aura globalement un impact négatif engendrant des situations à risques de plus en plus fréquentes. Elles montrent également qu’il y a urgence à agir à la fois sur les gaz à effets de serre mais également sur l’utilisation et les rejets des substances chimiques dans l’environnement (Chèvre, 2019).
*Métabolisme = réactions biologiques au sein d’un organisme vivant
Article rédigé par Vivien Lecomte, 16 mai 2020, Ecotoxicologie.fr : tous droits réservés
EN SAVOIR PLUS…
–Les impacts du changement climatique en Aquitaine – Chapitre 8 : L’air et l’eau – Éric Villenave, Hélène Budzinski, Henri Etcheber et Alain Dupuy – 2013
–The toxicology of climate change: Environmental contaminants in a warming world. Noyes et al. – 2009
–Changement climatique… et pollution – Petite chimie du quotidien – Blog de Nathalie Chèvre, écotoxicologue – 3 octobre 2019
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