Le petit cycle de l’eau « pour les nuls »
Rivière, nappe d’eau souterraine, station de production d’eau potable, château d’eau, égout, eau pluviale, station d’épuration… Tous ces éléments font partie du petit cycle de l’eau, sorte de « parenthèse humaine » dans le cycle naturel de l’eau. Un petit cycle essentiel pour la préservation de nos ressources et de l’environnement, mais pourtant largement méconnu du grand public. Un petit cycle que je vous propose de (re)découvrir dans cet article qui retrace les différentes étapes du cheminement de l’eau, de son prélèvement jusqu’à son rejet dans le milieu naturel.
INTRO – PETIT CYCLE DE L’EAU : DE QUOI PARLE-T-ON ?
Un cycle qui s’apparente plutôt à « une parenthèse anthropique de l’eau »
Depuis l’enfance, vous connaissez évidement le cycle naturel de l’eau : l’eau passe de la mer à l’atmosphère par évaporation (formation de nuages), de l’atmosphère à la terre par précipitation (formation de rivières, fleuves, nappes d’eau souterraine, etc.) puis de la terre à la mer, en suivant un cycle qui se répète indéfiniment.
Au sein même de ce cycle naturel s’insère un « cycle anthropique », créé par l’homme pour répondre à ses besoins. Dès le XIXème siècle en effet, l’homme a élaboré un système pour capter l’eau dans le milieu naturel, la traiter si nécessaire afin de la rendre potable et pouvoir en disposer à volonté à domicile. Pour des raisons de salubrité publique et de préservation des ressources, il a ensuite construit des systèmes d’assainissement permettant de collecter cette eau une fois salie et de la nettoyer avant de la restituer au milieu naturel. Ce cycle présent dans l’ensemble des pays développés est généralement appelé « petit cycle de l’eau », « cycle urbain de l’eau » ou « cycle anthropique de l’eau ». Pourtant, comme l’illustre le schéma ci-dessous, il ne s’agit pas à proprement parler d’un cycle mais plutôt d’une « parenthèse anthropique de l’eau ».
Les étapes du petit cycle de l’eau
Le chemin de l’eau au sein de cette « parenthèse anthropique » se compose de sept étapes :
- Le prélèvement d’eau dans le milieu naturel : rivière, lac, nappe d’eau souterraine, etc. Cette étape peut également être appelée « captage ».
- La potabilisation de l’eau, au sein d’une usine de production d’eau potable.
- Le stockage de l’eau potable dans des réservoirs en hauteur (« châteaux d’eau ») ou souterrains.
- La distribution de l’eau potable, via un réseau de canalisations.
- La collecte des eaux usées et des eaux pluviales, via le réseau d’assainissement. A noter que les eaux pluviales ne sont pas visibles sur le schéma ci-dessus, bien qu’elles soient une composante essentielle du petit cycle de l’eau (elles sont souvent oubliées…).
- Le traitement des eaux usées, le plus souvent au sein d’une station d’épuration.
- Le rejet des eaux usées traitées dans le milieu naturel : rivière, mer, sol, etc.
Les étapes 1 à 4 (prélèvement, potabilisation, stockage et distribution) constituent ce qu’on appelle l’adduction en eau potable. Les étapes 5 et 6 (collecte et traitement des eaux usées et pluviales) constituent le système d’assainissement.
Les Français connaissent mal ce petit cycle de l’eau
Les enquêtes sociologiques mettent en lumière une méconnaissance de ce petit cycle de l’eau par les Français, pour qui le système de potabilisation et d’assainissement de l’eau apparait comme une boîte noire : « il est invisible, il marche bien (car j’ai de l’eau au robinet) mais je ne sais pas exactement ce qu’il s’y passe » (Pierrette et al., 2017).
Ce constat est illustré par une étude menée auprès de la population bordelaise qui nous apprend que près d’un habitant sur trois croit que les eaux usées sont « acheminées vers des stations de traitement pour en faire de l’eau potable » (Projet Regard, 2018). Ces habitants confondent en fait l’usine de traitement d’eau potable ②, dont la fonction est de produire de l’eau potable à partir d’eau prélevée dans le milieu naturel, et la station d’épuration ⑥, dont le rôle est de nettoyer les eaux usées avant leur restitution au milieu.
Dans un monde où l’eau est soumise à des pressions croissantes, en lien avec l’augmentation de la population, la production de substances chimiques et le changement climatique, cette thématique du petit cycle de l’eau représente un enjeu de culture culture citoyenne, dont les autorités doivent se saisir.
① LE PRÉLÈVEMENT D’EAU DANS LE MILIEU NATUREL
1.1 Différentes origines possibles
L’eau qui deviendra par la suite potable, est prélevée (ou « captée ») dans le milieu naturel par une station de pompage. En France, 2/3 du volume prélevé provient d’une eau souterraine (on parle de nappe ou d’aquifère) et 1/3 d’une eau de surface (rivière, lac, canal, réservoir artificiel, etc.) (Cieau.com, 2022). Cette proportion varie selon les régions. Par exemple, l’eau du robinet bue par les Parisiens est issue pour moitié de nappes souterraines et pour moitié de rivières (la Seine et la Marne), tandis que l’eau consommée par les Lyonnais provient essentiellement de nappes souterraines.
L’eau issue des nappes souterraines est généralement de meilleure qualité que celle des rivières, car elle est protégée par le sol qui sert de filtre. Mais ce n’est pas toujours vrai. Le massif du Jura par exemple, est constitué de sols peu profonds développés sur des roches calcaires, dites karstiques, qui laissent passer l’eau rapidement sans la filtrer (Charlier, 2023). En raison de la présence de large conduites et de grottes, l’eau infiltrée se retrouve en quelques heures transportée jusqu’aux sources qui alimentent les rivières, réduisant ainsi les phénomènes d’auto-épuration naturelle, de dilution et de dispersion des polluants. Les karsts, qui recouvrent plus d’un tiers de la France hexagonale, sont donc particulièrement vulnérables aux pollutions.
Aquifère et nappe : de quoi parle-t-on ?
Un aquifère est un sol ou un ensemble de roches poreuses ou fissurées, pouvant contenir de l’eau souterraine de façon temporaire ou permanente. Au sein d’un aquifère, on distingue d’une part, la zone saturée, où les interstices entre les grains solides sont entièrement remplis d’eau, et d’autre part, la zone insaturée (située au dessus), dans laquelle les interstices contiennent également de l’air. La zone saturée forme ce que l’on appelle la nappe d’eau souterraine (cf. schéma ci-après).
1.2 Des lieux de prélèvement protégés des contaminations
Les prélèvements d’eau destinés à la consommation humaine (EDCH) ont lieu dans des ressources protégées, généralement situées en amont de la ville. La très grande majorité de ces points de captage bénéficient de périmètres de protection, zones dans lesquelles certaines activités sont restreintes ou réglementées afin d’éviter tout risque de pollution accidentelle (ex. : déversement de matières dangereuses suite à l’accident d’un camion) ou chronique (ex. : épandage de pesticides par un agriculteur). La zone délimitée par le périmètre de protection immédiate (PPI) est le plus souvent clôturée (cf. schéma ci-dessous).
② LA POTABILISATION DE L’EAU
2.1 Qu’est-ce qu’une eau potable ?
Une eau potable est une eau que l’on peut boire tous les jours sans risque pour la santé. Pour être considérée comme potable, l’eau doit respecter des normes très strictes, qui sont les mêmes pour l’eau du robinet que pour l’eau en bouteille. Ces normes concernent plusieurs familles de paramètres :
- Des paramètres physico-chimiques : ils délimitent les quantités maximales à ne pas dépasser pour certains composants comme les chlorures, le potassium et les sulfates ;
- Des paramètres chimiques : des normes très strictes sont établies pour limiter la présence de composés chimiques considérés comme toxiques ou indésirables comme les pesticides, les nitrates, les métaux lourds ou les hydrocarbures ;
- Des paramètres microbiologiques : l’eau ne doit contenir aucun micro-organisme pathogène (bactéries, virus, etc.) susceptible de provoquer des maladies chez les consommateurs. A noter en revanche que contrairement à certaines idées reçues, l’eau potable n’est pas stérile.
2.2 Comment fonctionne une usine de production d’eau potable ?
Avant d’être acheminée jusqu’à nos robinets, l’eau puisée dans le milieu naturel doit subir des traitements au sein d’une usine de production d’eau potable. Le nombre et la nature de ces traitements dépendent de la qualité de l’eau prélevée. Ainsi, une partie des eaux souterraines sont naturellement potables et n’ont besoin que d’un traitement préventif (une désinfection) pour garantir que l’eau demeure portable jusqu’aux robinets.
A l’inverse, d’autres eaux « moins pures » nécessitent des traitements curatifs élaborés afin d’éliminer l’ensemble des substances chimiques et microorganismes indésirables.
La vidéo ci-après illustre bien les différents traitements physico-chimiques pouvant être appliqués à l’eau captée dans le milieu naturel afin de la rendre potable :
- Le dégrillage/tamisage : il permet de retirer les grosses particules à l’aide de grilles plus ou moins fines et de tamis.
- La floculation/décantation : les particules restantes sont agglomérées (floculation) puis sont entraînées par leurs poids au fond de grands bassins appelés décanteurs (décantation).
- La filtration sur sable : l’eau traverse un lit de sable afin d’éliminer les particules les plus fines encore présentes dans l’eau.
- La filtration sur charbon actif : elle permet de retenir les éventuelles substances polluantes (ex. : pesticides, hydrocarbures, etc.).
- La désinfection (chlore, rayons ultra-violets, ozone, etc.) : elle permet d’éliminer les micro-organismes pathogènes susceptibles de nuire à la santé des consommateurs. L’avantage des composés chlorés (chlore, eau de javel, etc.) est leur effet rémanent, c’est-à-dire que leur action désinfectante persiste tout au long du réseau de distribution ; un de leurs inconvénients est le goût qu’ils peuvent donner à l’eau.
2.3 Comment la qualité de l’eau est-elle contrôlée ?
2.3.1 Des contrôles permanents
En France, l’eau du robinet est l’aliment le plus contrôlé, avec plus de 300 000 prélèvements et 18 millions d’analyses réalisés chaque année sur les réseaux de distribution du territoire (DGS, 2018). Ces contrôles sont exercés par les collectivités territoriales ou les sociétés déléguées responsables de la production de l’eau potable (Suez, Veolia, Saur, etc.), ainsi que par les Agences Régionales de Santé (ARS). Ils portent sur l’ensemble du système de distribution : points de captage, usines de production d’eau potable, réservoirs, réseaux de distribution et robinets des consommateurs.
La fréquence des prélèvements, la typologie des contrôles et les paramètres analysés sont fixés réglementairement. Ils dépendent notamment de la vulnérabilité de la ressource en eau, des quantités prélevées et de l’importance de la population desservie.
Les résultats de ces analyses sont publics. Ils sont disponibles commune par commune sur le site du ministère de la Santé et sont envoyés à tous les usagers avec la facture d’eau au moins une fois par an.
2.3.2 Deux types d’exigences de qualité
Les exigences de qualité auxquelles doivent satisfaire les résultats d’analyses de l’eau sont précisées dans le Code de la santé publique, en application de la Directive européenne 98/83/CE relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine (Directive « Eau potable »).
Comme vous pouvez le voir dans l’exemple du bulletin d’analyses de l’eau ci-après, la réglementation distingue deux types d’exigences de qualité :
- Les limites de qualité (LQ), qui s’appliquent aux paramètres pouvant présenter des risques sanitaires à court terme (ex. : micro-organismes pathogènes) ou à long terme (ex. : pesticides, nitrates, certains sous-produits issus de la désinfection). Pour que l’eau soit considérée comme « conforme », ces limites ne doivent pas être dépassées. Par exemple, la concentration en nitrates ne doit pas dépasser 50 mg par litre d’eau.
- Les références de qualité (RQ), qui s’appliquent aux paramètres dits « de confort » (qualifiant les caractères organoleptiques de l’eau distribuée au robinet) ou « indicateurs » (pouvant témoigner de dysfonctionnements des installations de traitement des eaux). Une eau dont une référence de qualité est dépassée peut néanmoins être qualifiée de « conforme » : c’est le cas par exemple d’une eau de température supérieure à 25°C.
A noter qu’aucune limite ou référence de qualité n’est fixée pour la dureté de l’eau, un indicateur de la minéralisation qui correspond à la teneur en calcium et magnésium.
2.3.3 Que se passe-t-il en cas de dépassements des limites de qualité ?
Des contaminations accidentelles ou chroniques de la zone de captage et des dysfonctionnements de l’usine de production peuvent conduire à des dépassements ponctuels des limites de qualité définies par la réglementation. La gestion de ces situations de non-respect des exigences de qualité des eaux distribuées au robinet est très encadrée. Elle repose sur l’appréciation, en particulier par l’Agence régionale de santé (ARS), de la situation et des risques encourus par la population. En cas de risque pour la santé, le responsable en liaison avec l’Agence Régionale de Santé (ARS) diffuse des recommandations d’usage à la population, en particulier aux groupes de population les plus sensibles (nourrissons, femmes enceintes, etc.). La mesure ultime est d’interrompre temporairement l’alimentation en eau potable de la population.
En l’absence de consignes particulières du responsable de la distribution, du maire ou de l’ARS (ou éventuellement du médecin pour les nourrissons), l’eau du robinet peut être consommée sans craintes en tous points du territoire français.
2.4 En France, l’eau du robinet est de bonne qualité…
Selon l’OMS, une personne sur trois dans le monde n’a pas accès à de l’eau salubre. Mais en France, fort heureusement, l’eau qui coule de notre robinet est de bonne qualité. En 2021, plus de 98 % de la population française a été alimentée par de l’eau respectant en permanence les limites de qualité définies pour les paramètres microbiologiques (DGS, 2022). Ce chiffre s’élève à 99 % pour les nitrates et à 83 % pour les pesticides. Dans la très grande majorité des cas, les dépassements des valeurs seuils sont limités en concentration et/ou dans le temps, et n’induisent donc pas de restriction de l’usage de l’eau.
2.5 … même si elle contient des traces de polluants
2.5.1 Pesticides, médicaments et autres « micropolluants »
Pesticides, produits d’entretien, cosmétiques, médicaments, carburants, plastiques… Tous ces produits utilisés au quotidien contiennent un grand nombre de molécules chimiques synthétiques ou naturelles. Au stade de leur production mais surtout lors de leurs usages, une fraction de ces molécules est rejetée dans l’environnement (air, eau et sol) et converge au final en grande partie vers les milieux aquatiques. Or, certaines d’entre elles peuvent avoir des effets négatifs sur les êtres vivants, même à des concentrations infimes, de l’ordre du microgramme ou du nanogramme par litre : on parle de micropolluants (Lecomte et Staub, 2022).
Des traces de ces micropolluants sont retrouvées dans l’ensemble des milieux aquatiques, et, par voie de conséquence, dans l’eau du robinet. Cette dernière, au même titre que les autres aliments (fruits et légumes, viande, poisson, etc.) et l’eau en bouteille (dans laquelle des traces de pesticides ont également été détectées, ainsi que des particules de plastiques) représente donc une voie d’exposition aux substances chimiques présentes dans l’environnement.
Lire aussi | Polluants et micropolluants : définitions et classification
2.5.2 Un risque très faible pour la santé
Alors, prend-on un risque en buvant l’eau du robinet ? Concernant les pesticides, ce risque a été étudiée de manière détaillée par l’ANSES à partir des concentrations réelles mesurées sur 80 000 points de distribution (ANSES, 2013a). La conclusion de l’étude est que, partout sur le territoire national, l’eau du robinet ne contribue que très faiblement au risque de contamination chronique par les pesticides. En effet, la contribution moyenne de l’eau à la dose journalière admissible (DJA = dose maximale à ne pas dépasser) est inférieure à 5 % pour l’ensemble des pesticides étudiés. De même, les experts de l’ANSES concluent à un risque négligeable pour la santé suite à l’ingestion des traces de médicaments retrouvées dans certaines eaux destinées à la consommation humaine (ANSES, 2013b).
2.5.3 Une réglementation qui évolue pour mieux protéger le consommateur
Ces résultats rassurants doivent nous inciter à continuer à boire de l’eau du robinet, aussi sûre, moins chère et plus respectueuse de l’environnement que l’eau en bouteille (Eaumelimelo, 2015). Les autorités sont néanmoins vigilantes concernant certaines molécules chimiques auparavant non surveillées. Ainsi, le parlement et le conseil européens ont voté le 16 décembre 2020 une nouvelle Directive « Eau potable » introduisant de nouveaux paramètres de contrôle, tels que les sous-produits de la désinfection, les composés perfluorés (souvent appelés « polluants éternels ») et le bisphénol A.
Plus on cherche, plus on trouve !
Après avoir culminé à 94 % en 2020, la part de la population alimentée en permanence par de l’eau respectant les limites de qualité des pesticides a nettement diminué en 2021. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, cette baisse ne traduit pas une détérioration de la qualité de l’eau. Elle résulte en fait de l’amélioration de la surveillance qui cible de nouvelles molécules auparavant non recherchées mais probablement présentes dans les eaux depuis de nombreuses années. C’est le cas notamment de l’ESA métolachlore, de la chloridazone désphényl et de la chloridazone méthyl désphényl, qui sont toutes trois des molécules issus de la transformation des pesticides dans l’environnement.
③ LE STOCKAGE ET ④ LA DISTRIBUTION DE L’EAU POTABLE
Une fois prélevée et rendue potable, l’eau doit être délivrée sous pression aux consommateurs. Pour cela, elle peut partir de réservoirs situés sur un relief ou bien être stockée dans des châteaux d’eau. L’intérêt de ces réservoirs est de disposer d’un volume d’eau suffisant pour garantir la continuité de l’alimentation, y compris en heures de pointe, et aussi de « donner l’élan » nécessaire à l’eau pour qu’elle puisse atteindre les lieux de consommation avec une pression suffisante.
A partir de ces réservoirs partent donc des canalisations acheminant l’eau jusqu’aux habitations, aux exploitations agricoles, aux sites industriels et autres utilisateurs d’eau. Le réseau français est constitué de près d’1 million de kilomètres de canalisations, dont la moitié ont été posées avant 1972 (Monreseaudeau.fr, 2021). Cet âge avancé de notre réseau, lié à un sous-investissement chronique des acteurs publiques dans ces infrastructures, est une des explications aux fuites rencontrées dans ces canalisations. En France, environ 20 % de l’eau produite dans les stations de traitement d’eau potable ne parvient pas aux robinets des usagers, soit 1 Litre sur 5 en moyenne (EauFrance.fr, 2022) ! Ce taux de perte peut même atteindre jusqu’à 40 % localement (ITEA, 2014).
160 ans !
En France, le taux de renouvellement des réseaux d’eau potable est d’environ 0,6 % par an. A ce rythme, Il faudrait environ 160 ans pour renouveler le réseau, alors que la norme européenne recommande une durée de vie de 50 ans (ITEA, 2014).
⑤ LA COLLECTE DES EAUX USÉES ET DES EAUX PLUVIALES
5.1 Des eaux à collecter de différentes natures
En milieu urbanisé, deux grands types d’eaux doivent être gérés.
Les eaux usées tout d’abord, également appelées « eaux d’égout », qui correspondent aux eaux polluées par un usage humain. Parmi elles, on distingue (cf. schéma ci-après) :
- Les eaux de vannes (ou « eaux noires »), qui proviennent des toilettes. Elles sont riches en matières organiques fermentescibles, en micro-organismes fécaux (parfois pathogènes), en cellulose, en colorants (« papier WC ») et en chlore (en cas d’utilisation de produits désinfectants comme la Javel).
- Les eaux ménagères (ou « eaux grises »), qui proviennent des lavabos, de l’évier, de la baignoire, de la douche, du lave-linge et du lave-vaisselle. Elles contiennent des graisses, des détergents et des matières organiques. Leur pollution est moins forte que les eaux de vannes, mais plus hétérogène.
Les eaux pluviales (ou « eaux de pluie ») constituent le deuxième type d’eau à gérer en milieu urbain. Si elles ruissellent sur les toits, les routes ou toute autre surface imperméabilisée, elles emportent avec elles les différents polluants contenus sur ces surfaces (métaux lourds, hydrocarbures, etc.).
5.2 Le réseau d’assainissement
Suite à leur évacuation, les eaux usées sont généralement collectées par un réseau d’assainissement public (« égout ») qui les conduit jusqu’à la station d’épuration : on parle d’assainissement collectif.
Il existe deux grands types de réseaux d’assainissement :
- Le réseau unitaire est un réseau d’assainissement qui collecte les eaux usées et les eaux pluviales au sein des mêmes canalisations. Simple à mettre en place, ce type de réseau présente l’inconvénient majeur d’être vite saturé en cas de fortes pluies : si le débit est trop important, une partie des eaux usées peuvent être déversées au milieu naturel sans avoir été « nettoyées » au préalable par une station d’épuration. Pour cette raison, en France, les réseaux unitaires sont progressivement remplacés par des réseaux séparatifs.
- Le réseau séparatif comporte des canalisations dédiées aux eaux usées, et d’autres canalisations dédiées aux eaux pluviales. Les eaux usées sont conduites à la station d’épuration tandis que les eaux pluviales sont rejetées dans le milieu naturel (cours d’eau, lac, etc) sans traitement préalable (car elles sont théoriquement peu polluées).
Le diamètre des canalisations des réseaux d’assainissement peut aller d’une douzaine de centimètres jusqu’à plusieurs mètres dans certaines grandes villes comme Paris (cf. illustration ci-dessous). Les réseaux sont le plus souvent gravitaires, c’est-à-dire que l’eau s’écoule naturellement des points hauts vers le point bas, où se trouve généralement la station d’épuration. Il arrive néanmoins que des « postes de relevage » (= des pompes) soient nécessaires pour faire remonter les eaux lorsque l’écoulement ne peut pas être gravitaire.
5.3 Vers une gestion « à la source » des eaux pluviales
Avec le développement urbain, le « tout-tuyau », consistant à collecter systématiquement les eaux pluviales (seules ou en mélange avec les eaux usées) pour les évacuer à l’aval, a révélé ses limites. Cette solution coûte très cher, augmente le risque d’inondations en ville (comme nous avons pu le constater durant le printemps 2023) et pollue les milieux aquatiques.
Devant ce constat, une nouvelle stratégie dite de « gestion à la source des eaux pluviales » se met en place progressivement sur nos territoires. Elle consiste à se rapprocher du cycle naturel de l’eau en désimperméabilisant les surfaces urbaines et en infiltrant les eaux de pluie qui tombent sur la ville au plus près de leur point de chute (cf. illustrations ci-dessous). Cette solution permet de recharger les nappes d’eaux souterraines, de favoriser la végétation et de « climatiser » la ville.
⑥ LE TRAITEMENT DES EAUX USÉES ET ⑦ LEUR REJET DANS LE MILIEU NATUREL
6.1 L’évolution de l’assainissement d’hier à aujourd’hui
En France, jusqu’au XIXème siècle, la technique d’évacuation des eaux usées la plus répandue était celle du « tout à la rue » : les pots de chambre étaient tout simplement vidés par les fenêtres (ou éventuellement dans la rivière voisine). Cette situation était à l’origine de nombreuses épidémies de peste, de choléra et de typhus, qui tuèrent des centaines de milliers de personnes à travers l’Europe (Cieau.com, 2023).
Il fallut attendre la moitié du XIXème siècle et les découvertes de l’époque en matière de santé publique, pour voir apparaitre les premiers réseaux d’égouts dans notre pays. Les premières stations d’épuration entrèrent en fonctionnement dans les années 1940, puis se déployèrent largement au cours des années 1960-1970. Depuis la loi sur l’eau de 1992, toutes les eaux usées ont l’obligation d’être collectées et dépolluées avant leur rejet dans le milieu naturel.
Ces équipements essentiels d’assainissement sont malheureusement loin d’être universels. Selon l’Unicef, 60 % de la population mondiale n’a pas accès à des services d’assainissement gérés en toute sécurité, et une personne sur trois ne dispose même pas de toilettes privatives.
6.2 Comment fonctionne une station d’épuration ?
En France, la grande majorité des eaux usées sont dépolluées par des stations d’épuration, également appelées STEP ou STEU (pour « Stations de Traitement des Eaux Usées »). Dans la station d’épuration, les eaux usées font l’objet de plusieurs traitements épuratoires (mécaniques, biologiques et/ou physico-chimiques) dont le principal objectif est d’éliminer les matières en suspension et les matières organiques qu’elles contiennent, afin de ne pas « asphyxier » le cours d’eau dans lequel elles sont déversées après traitement.
Le schéma ci-après présente le fonctionnement d’une station d’épuration à « boues activées », type de station le plus répandu en France. Les principales étapes de traitement sont les suivantes :
- Des prétraitements (dégrillage, dessablage, dégraissage) qui permettent de retirer les gros déchets, les sables et les graisses.
- L’aération : les eaux usées sont brassées dans des grands bassins oxygénés afin de favoriser le développement de micro-organismes qui dégradent et absorbent la pollution.
- La clarification : les eaux claires sont séparées des « boues d’épuration ». Ces dernières constituent le principal déchet du traitement des eaux usées.
- Le rejet des eaux traitées (c’est-à-dire les eaux claires évoquées dans l’étape 3) dans le milieu naturel : rivière, fleuve, etc. Des analyses sont effectuées très régulièrement pour contrôler la qualité de ce rejet.
A l’issue du traitement des eaux usées par la station d’épuration, il reste donc :
- De l’eau dépolluée à environ 90 % de sa pollution d’origine : elle est considérée comme « suffisamment propre » pour être rejetée dans le milieu naturel ou pour certains usages (ex. : arrosage d’espace vert, irrigation de terres agricoles) … mais elle n’est pas potable ! ;
- Des boues d’épuration, principalement constituées d’eau, de bactéries mortes et de matières réfractaires au traitement : ces boues sont généralement déshydratées puis utilisées comme engrais ou bien incinérées.
6.3 Des micropolluants passent au travers des mailles du traitement
Les stations d’épurations actuelles n’ont pas été conçues pour éliminer les micropolluants (résidus de médicaments, PFAS, etc.). De fait, si une partie d’entre eux y sont effectivement dégradés, d’autres sont plus réfractaires aux traitements en place et se retrouvent dans les eaux rejetées vers les milieux aquatiques ou dans les boues d’épuration, induisant une pollution susceptible de se propager loin en aval des rejets.
Des procédés de traitement complémentaire existent (ex. : ozonation, UV, charbon actif, membrane) et sont d’une manière générale efficaces à l’encontre des micropolluants. En raison de leur coût élevé et des contraintes supplémentaires qu’ils occasionnent (consommation d’énergie, contraintes d’exploitation, etc.), seules quelques stations en sont équipées à ce jour. Ces procédés pourraient néanmoins devenir obligatoires en Europe pour toutes les stations de plus de 100 000 Équivalent Habitants d’ici à 2040 (Commission Européenne, 2022).
6.4 Dans les zones rurales, l’assainissement non collectif (ANC)
Certaines zones rurales ne sont pas desservies par un réseau de collecte public des eaux usées. Le propriétaire de l’habitation doit alors obligatoirement disposer d’un système de traitement autonome, dont le contrôle est assuré par le SPANC (Service Public d’Assainissement Non Collectif) local. Cette situation concerne environ 15 % de la population française (Ofb.gouv.fr, 2023).
Le processus épuratoire est globalement le même que dans une station d’épuration, avec l’utilisation de bactéries qui « mangent » la pollution. Comme l’illustre le schéma ci-après, une installation d’assainissement non collectif (ANC) est constituée :
- D’une « fosse toutes eaux » (également appelée « fosse septique »), qui retient les matières solides, dégraisse les eaux et liquéfie les matières par fermentation : cette fermentation produit des gaz qu’il est indispensable d’évacuer au-dessus de la toiture par un système de ventilation. Cette fosse doit être régulièrement vidangée par une société spécialisée.
- De drains de répartition, qui achèvent l’épuration et l’évacuation des eaux dans le milieu naturel. Il ne s’agit ni plus ni moins que de répartir dans le sol les eaux usées prétraitées, et de laisser les micro-organismes du sol terminer la consommation des polluants.
Article rédigé par Vivien Lecomte le 28 juin 2023 – Ecotoxicologie.fr : tous droits réservés
EN SAVOIR PLUS
–Méli Mélo, Démêlons les fils de l’eau : un outil multimédia pour répondre à toutes vos questions sur l’eau
–Eaufrance : le service public d’information sur l’eau
–La médiathèque de l’Office International de l’Eau (OiEau)
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Un commentaire
Mamgobaye Judicaël
C’est vraiment formidable toutes les informations que j’ai eu,je vais soutenir également cette année en eau hygiène et assainissement.