Empreinte carbone déplacements

Comment réduire l’empreinte carbone de mes déplacements

Les transports représentent plus d’un quart de l’empreinte carbone des ménages français (CGDD, 2017b). Or, devant l’impératif de réduire nos émissions de gaz à effet de serre, il est urgent de « décarboner » nos déplacements, en apprenant à nous passer de la voiture et en réduisant nos voyages en avion.

I. LE RÈGNE DE LA VOITURE

En France, le règne de la voiture est toujours d’actualité. Celle-ci représente près de 80 % des kilomètres parcourus par les voyageurs, avec un nombre moyen de près de 13 000 km roulés par véhicule et par an (CGDD, 2017b). Les foyers sans voiture sont par ailleurs très largement minoritaires : entre 1990 et 2014, leur proportion a même diminué, passant de 24 % à 19 %. Dans le même temps, un tiers des ménages possèdent au moins deux véhicules alors qu’ils n’étaient qu’un quart il y a 30 ans.

L’absence d’alternatives ?

Le mouvement des Gilets jaunes apparu suite à la hausse du prix de l’essence fin 2018, a mis en lumière des situations d’absence d’alternatives à la voiture, notamment pour les trajets domicile-travail en zones rurales ou périurbaines. Mais même quand des alternatives sont disponibles, les Français continuent de privilégier la voiture pour se déplacer au quotidien, le plus souvent seuls dans leur véhicule. Ainsi, 40 % des trajets quotidiens en voiture font moins de 3 km (ADEME, 2020b) et le vélo représente seulement 3 % des déplacements, pour l’essentiel en ville, contre 10 % en Allemagne et 28 % aux Pays-Bas (CGDD, 2017b). Espérons que la crise COVID sera un accélérateur du développement du vélo en France et dans le monde.

Fréquence des déplacements des français à vélo
Source : CGDD, 2017b

Plus de la moitié de l’empreinte carbone des déplacements

Outres les problématiques de partage de l’espace urbain et de qualité de l’air en ville, l’hégémonie de la voiture est incompatible avec la lutte contre le changement climatique. En effet, malgré les efforts des constructeurs et le durcissement progressif de la législation, la voiture reste un moyen de transport polluant et très fortement émetteur de CO2. Ainsi, plus de la moitié des émissions de gaz à effet de serre générées par les déplacements est due aux voitures particulières (CGDD, 2017b).

Pour mieux appréhender cette pollution, prenons l’exemple d’un travailleur dont l’entreprise est située à 10 km de son domicile. Pourquoi 10 km ? Car la moitié des personnes ayant un emploi travaillent dans leur commune de résidence ou dans une commune située à moins de 10 km (INSEE, 2016). Donc prenons l’exemple de ce travailleur et calculons l’empreinte carbone de ses déplacements selon différents scénarios :

Empreinte carbone déplacements domicile-travail
Source des données : Ecolab.ademe.fr, 2020 : Equivalent CO2 par personne en France, incluant les émissions directes et la production et distribution de carburant et d’électricité. La construction des véhicules et des infrastructures n’est pas incluse.
1 10 km aller-retour x 218 jours travaillés = 4 360 km/an 2 Le budget carbone d’un terrien est d’environ 2 tonnes eq CO2/an

Et au-delà de leur consommation en carburant, la production des voitures a également un impact conséquent sur l’environnement en raison de l’extraction des matériaux, de l’énergie consommée et des émissions de gaz à effet de serre associées (Theshiftproject.org, 2020).

Empreinte carbone et budget carbone : de quoi parle-t-on ?
L’empreinte carbone d’une personne représente :
– la quantité de gaz à effet de serre directement émis par cette personne : voiture, chauffage, etc.
– ainsi que la quantité de gaz à effet de serre émis lors du cycle de vie (fabrication, transport, utilisation…) des produits consommés par cette personne
En 2018, l’empreinte carbone moyenne des français s’élevait à 11,2 tonnes de CO2 par personne. Pour limiter le réchauffement climatique à 2°C, il est généralement admis que l’empreinte carbone annuelle d’un français (= son « budget carbone ») doit diminuer de 80 % d’ici 2050, pour atteindre environ 2 tonnes équivalent CO2.

La voiture électrique émet deux à trois fois moins de CO2 (en France)

En France, les ventes de voitures électriques sont en plein boom. Celles-ci ont bondi de 38 % entre 2018 et 2019, encouragées par l’État avec la perspective d’une interdiction de la vente de véhicules thermiques (essence ou diesel) en 2040. Ce développement est globalement une bonne nouvelle pour la planète et pour nos poumons… En effet, la disparition progressive des véhicules essence et diesel permettra de réduire considérablement la pollution de l’air en ville.

De plus, sur l’ensemble de son cycle de vie, le véhicule électrique émet, en France, deux à trois fois moins de CO2 qu’un véhicule thermique (FNH et ECF, 2017). L’empreinte carbone d’un véhicule électrique dépend fortement de l’origine de la production électrique, majoritairement nucléaire en France donc peu émissive en CO2. Ainsi, à l’échelle de l’Union Européenne, une voiture électrique n’émet « que » 17 à 30 % de moins de CO2 qu’un véhicule thermique… mais cet écart devrait atteindre 73 % en 2050 grâce à l’essor des énergies renouvelables en remplacement des énergies fossiles (Notre-planete.info, 2020b) .

Mais elle n’est pas la solution miracle

Cependant, la voiture électrique ne va pas mettre fin à la pollution. Notons tout d’abord que l’empreinte carbone de celle-ci reste toujours très nettement supérieure à celle des transports en commun électrifiés (train, RER, tramway, métro). Reste également la problématique des impacts environnementaux liés à la fabrication et au recyclage des batteries. Bref, si le déploiement des véhicules électriques est nécessaire dans le cadre de la transition énergétique, il n’est pas suffisant à lui seul et devra être accompagné d’un abandon progressif de la voiture individuelle au profit des transports en commun, de la marche et du vélo.

II. L’IMPACT CROISSANT DES AVIONS SUR LE CLIMAT

La consommation de kérosène n’est pas l’unique responsable de l’impact climatique

L'empreinte carbone des avions est également liée aux trainées blanches
Les trainées de condensation et cyrrus formés par les avions participent au réchauffement climatique – Source : Frank Magdelyns de Pixabay

L’impact des avions sur le climat ne se réduit pas au kérosène brûlé lors des phases de vol. En effet, les traînées de condensation et les cirrus qui se forment après le passage d’un avion réchauffent autant le climat que le CO2 émis en vol. Ainsi, le secteur aérien est à l’origine de 2 % des émissions de CO2 mondiales… mais contribue à hauteur de 5 % du changement climatique. En France, il représente 7,3 % de l’empreinte carbone (BL Evolution, 2020).

De plus, le nombre de passagers dans le monde évolue à vitesse grand V, passant de 2,5 milliards en 2008, à 4 milliards « aujourd’hui » (hors crise COVID-19) et avec des projections à 8 milliards en 2037. Ces projections apparaissent clairement incompatibles avec les engagements internationaux en matière climatique. Selon l’étude du cabinet BL Evolution, l’intégralité des efforts nécessaires pour aligner la France sur la trajectoire de la neutralité carbone seraient tout bonnement annihilés par le secteur aérien s’il devait continuer de croître*.

Près de 3 tonnes de CO2 pour un aller-retour Paris-New York

Pour s’en convaincre, il suffit d’un exemple. Un trajet aller-retour « Paris-New York » émet 2,9 tonnes de CO2 par passager (d’après le calculateur carbone GoodPlanet) : avec cet unique voyage, un français a déjà dépassé son budget carbone annuel de 50 % !

Autres chiffres parlants : en terme d’émissions de gaz à effet de serre, prendre l’avion pour un trajet national est 2,5 fois plus polluant que le car et 13 à 45 fois plus polluant que le train (ADEME, 2020). Or, 40 % des voyages en avion s’effectuent sur des distances inférieures à 800 km, pour lesquelles il existe souvent des alternatives en train (Greenpeace.fr, 2020).

Empreinte carbone déplacements - Emissions de CO2 des transports à l'échelle nationale
Source : ADEME, 2020

L’espoir d’un avion neutre en carbone

L’aviation est l’un des secteurs économiques souffrant le plus de la crise liée à la Covid-19. Selon l’Association Internationale du Transport Aérien (IATA), le trafic aérien devrait chuter d’environ 66 % en 2020 par rapport à 2019 (Capital.fr, 2020). En France, le gouvernement a donc financé un plan de soutien massif au secteur aéronautique, en mettant notamment 1,5 milliard d’euros sur la table pour développer « un avion vert » fonctionnant à l’hydrogène en 2035 (Novethic.fr, 2020e).

Mais cette transformation technique sera-t-elle suffisante pour respecter l’Accord de Paris et aligner la France sur une trajectoire neutre en carbone ? La conclusion de l’étude du cabinet BL Évolution est sans appel : « Manifestement, et même avec une politique très volontariste sur les leviers techniques, le seul moyen crédible de tenir une trajectoire raisonnable d’un point de vue climatique est de diminuer le trafic. »**

Réduire de moitié le nombre de passagers d’ici 2040

Pour s’aligner avec l’Accord de Paris, une diminution du nombre de passagers comprise entre 2,5 % et 4 % par an est nécessaire. En d’autres termes, il faudrait réduire de moitié le nombre de passagers annuels d’ici 2040. Pour ce faire, BL Évolution propose notamment (BL Évolution, 2018) :

  • la suppression des vols intérieurs disposant d’une alternative par la route ou le fer en moins de 4 heures (dès 2022)
  • l’interdiction de tout vol hors d’Europe non justifié dès 2020…
  • … mais l’autorisation de deux vols aller/retour long courrier par jeune de 18 à 30 ans (NB : pourquoi pas subventionnés pour rendre l’avion accessible à tous)…
  • … et l’instauration d’une loterie nationale distribuant 500 000 vols par an;

A ce jour pourtant, l’État et le secteur semblent se projeter vers une augmentation continue du trafic aérien au regard des infrastructures aéroportuaires en projet, avec par exemple la construction du Terminal 4 de l’aéroport de Roissy.

Et la compensation carbone ? (d’après le lexique du site Novethic.fr)
Lorsque vous achetez un billet d’avion, la compagnie vous propose (ou vous impose selon le cas) « un voyage neutre en carbone » via l’achat d' »une compensation carbone ». Cette dernière, popularisée par Yann Arthus Bertrand et son association GoodPlanet, consiste à compenser volontairement l’émission d’un volume de gaz à effet de serre généré par une activité (ici, un déplacement en avion) en finançant un projet réduisant les émissions d’autant : plantation d’arbres, financement de technologies permettant de réduire les émissions polluantes dans un pays en développement, etc.
Même si la démarche peut être louable, certains estiment que la compensation permet d’occulter le vrai problème qui est celui de la réduction des émissions : elle permet de se dédouaner, mais ne conduit pas à remettre en cause la source de la production de CO2.

*En cas de croissance linéaire, les émissions du secteur aérien pourraient représenter l’équivalent du budget carbone de la France établi par la Stratégie Nationale Bas Carbone en 2050.

** »A moins de subir des chocs majeurs, le transport aérien ne peut plus s’aligner avec une trajectoire compatible avec les 1,5°C, du seul fait des émissions projetées de la flotte d’avions déjà existante » (BL Evolution, 2020)

Lire aussi |Politique climatique : quelles sont les mesures les plus efficaces ?

III. CINQ ACTIONS POUR RÉDUIRE L’EMPREINTE CARBONE DE MES DÉPLACEMENTS

ACTION 1 – Je me passe de la voiture pour mes trajets inférieurs à 3 km

Selon le cabinet Carbone 4, supprimer l’ensemble des trajets courte distance en voiture permettrait de diminuer les émissions de gaz à effet de serre des français de 1,12 tonnes de CO2 par an et par personne en moyenne (Carbone 4, 2019), ce qui représente une réduction de plus d’un tiers de l’empreinte carbone liée aux transports et une réduction de 10 % de l’empreinte carbone totale.

Le calculateur de l’ADEME vous permettra de mieux évaluer l’impact de vos petits déplacements :

ACTION 2 – Je n’ai pas plus d’une voiture au sein de mon foyer

Les statistiques démontrent que plus le nombre de véhicules augmente, et plus le nombre total de kilomètres parcourus en voiture est élevé : en effet, lorsque chaque adulte d’un foyer possède sa voiture, on est davantage « tenté » de l’utiliser. En complément de la voiture, il peut être utile, si on habite dans une région mal desservie par les transports en commun… et vallonnée, de s’équiper d’un vélo électrique : c’est un investissement, certes, mais qui revient toujours beaucoup moins cher qu’une voiture !

ACTION 3 – Pour me rendre au travail, j’utilise le vélo, les transports en commun ou le covoiturage

Utiliser davantage les transports en commun et avoir systématiquement recours au covoiturage sont des pratiques qui permettraient de réduire d’environ 1/3 les émissions de CO2 des français liées aux déplacements (Carbone 4, 2019).

Et le télétravail ?
D’après l’ADEME, si la moitié de la population active télétravaillait 3 jours par semaine, l’équivalent des émissions de gaz à effet de serre d’environ 366 000 Français seraient évitées (ADEME, 2020).

ACTION 4 – Pour mes trajets longue distance, je privilégie le train

Pour un trajet similaire, le train émet, par passager, 8 à 27 fois moins de gaz à effet de serre qu’une voiture particulière et 13 à 45 fois moins qu’un avion (ADEME, 2020).

ACTION 5 – Je ne prends l’avion que quelques fois dans ma vie, et lorsqu’il n’existe aucune alternative

Bien sûr, voler c’est « magique » ! Et difficile de remettre en cause l’intérêt des voyages pour l’ouverture aux autres cultures, pour l’échange entre les peuples, pour l’activité touristique, pour la coopération scientifique… mais on ne peut pas non plus occulter les émissions conséquentes de gaz à effet de serre que les trajets aériens génèrent. Il faut aussi avoir à l’esprit que 1 % de la population mondiale est responsable de la moitié de l’impact carbone du secteur aérien civil et que seuls 4 % des terriens prennent l’avion chaque année (chiffres 2018 issus de Gössling et Humpe, 2020).

Ainsi, même si cela peut être difficile à entendre ou à accepter, prendre l’avion régulièrement pour se rendre « à l’autre bout du monde » est totalement incompatible avec une attitude « responsable » vis à vis du changement climatique, et ce, même en payant la compensation carbone

Vivien Lecomte


Article rédigé par Vivien Lecomte, 13 décembre 2020 – Ecotoxicologie.fr : tous droits réservés

EN SAVOIR PLUS…

La mobilité en 10 questions : des transports plus économes et plus accessibles – ADEME, 2020
Plan de transformation de l’économie française : focus sur la mobilité quotidienne – The shift project, 2020
Le véhicule électrique dans la transition écologique en France – Fondation pour la Nature et l’Homme et European Climate Foundation, 2017
Climat : pouvons-nous (encore) prendre l’avion ? – BL Evolution, 2020
Transport routier : quelles motorisations alternatives pour le climat ? – Carbone 4, 2020

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3 commentaires

  • Gérard SARGE

    Bonjour,
    Merci pour cet article très instructif.
    Est-ce qu’il serait possible de le compléter en ajoutant les nouvelles mobilités ?
    Je pense d’une part aux voitures hybrides, aux voitures 100% électriques et ensuite aux autres mobilités à deux roues comme les scooters ou motos électriques.
    Car si sur votre tableau, le vélo est à l’évidence la meilleure façon de réduire individuellement son emprunte carbone, on pense par exemple à tous les gens en grande banlieue ou proche campagne qui sont obligés d’utiliser des moyens de transports autonomes pour se rendre sur le lieu de travail et qui n’ont pas forcément un accès aisé au TER ou RER .
    Quel est aujourd’hui le transport autonome ayant le moins d’impact pour faire 50 km a-r chaque jour ?

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