Les médicaments sont-ils dangereux pour l’environnement ?
La France est le 4ème consommateur mondial de médicaments. Plus de 3000 médicaments à usage humain et 300 médicaments vétérinaires sont actuellement disponibles sur le marché français. Les substances actives contenues dans ces médicaments se caractérisent par des structures chimiques très variées. Une fois que ces médicaments ont agi dans l’organisme, ils sont excrétés, essentiellement dans les selles et les urines, puis sont rejetés dans les réseaux d’eaux usées (médicaments humains) et dans les sols (médicaments vétérinaires). Ces résidus de médicaments se retrouvent donc d’une manière ou d’une autre dans l’environnement et potentiellement dans nos sources d’eau potable (MEDDTL, 2011).
Mais ces résidus de médicaments présentent-ils des risques pour les écosystèmes et pour notre santé ?
I. DES MÉDICAMENTS PRÉSENTS DANS LES MILIEUX AQUATIQUES
Suite à l’amélioration des soins médicaux, à l’allongement de l’espérance de vie et à l’industrialisation progressive de l’agriculture, la quantité de médicaments consommés a augmenté. Parallèlement, grâce aux progrès considérables dans les technologies d’analyses chimiques, il est maintenant possible de mesurer de nombreux résidus de médicaments dans l’eau à des concentrations extrêmement basses, souvent plusieurs fois inférieures à celles détectables il y a quelques années. Cela signifie, par exemple, que les traces d’un morceau de sucre dissous dans un réservoir d’une contenance d’environ 2,7 milliards de litres d’eau (environ 19 millions de baignoires remplies) peuvent être mesurées par des méthodes d’analyses modernes ! (Pills, 2010)
Ainsi, depuis les années 1980, de nombreuses molécules pharmaceutiques ont été détectées dans l’environnement. Leur présence dans les effluents et les boues de stations d’épuration urbaines, le milieu aquatique et les sols, a été établie à l’échelle mondiale. La première mise en évidence de la présence de médicaments dans les eaux remonte à 1976 (Hignite et Aznaroff, 1977). De nombreux travaux ont, depuis, confirmé l’ubiquité de ces substances dans les rivières et les eaux souterraines (Miège, 2006). Au début des années 2000, plus de 80 substances pharmaceutiques avaient ainsi été mesurées dans des effluents de stations d’épuration (STEP) et des eaux de surface (Heberer, 2002).
Les concentrations auxquelles sont détectés ces composés sont très faibles :
- de l’ordre de quelques dizaines de ng/L dans les eaux de surface (nanogramme = 1 million de fois moins qu’un milligramme)
- de l’ordre de quelques centaines de ng/L dans les effluents de station d’épuration ( = l’eau rejetée dans les rivières après traitement)
- ils peuvent également parvenir jusque dans les nappes d’eau destinée à la consommation humaine : à des concentrations généralement très faibles, de l’ordre du ng/L (Besse, 2010)
Fort heureusement, ces substances ne sont pas systématiquement détectées dans l’ensemble des études, en particulier sur les eaux superficielles (cours d’eau et lacs) et les eaux souterraines. Cela peut être dû à l’absence du composé, ou à sa très faible concentration qui n’est pas détectée par la méthode d’analyse.
Les valeurs les plus importantes sont observées pour les anti-inflammatoires, les hypolipémiants (= agissant contre le cholestérol) et le paracétamol, ce qui semble corréler avec les fortes consommations de ces médicaments (Besse, 2010).
Un exemple de substance pharmaceutique active pouvant être détectée dans l’eau est le diclofénac. Le dosage de la substance active dans un comprimé, est compris entre 25 mg et 750 mg. Dans différentes études, des résidus de diclofénac ont été détectés à des niveaux atteignant 1 µg par litre dans des eaux de surface telles que des cours d’eau ou des lacs. Pour consommer la quantité d’un comprimé de 25 mg, une personne devrait donc boire 25 000 litres de cette eau. Cet exemple illustre donc la dose infime à laquelle sont détectés ces résidus. Cela n’exclue pourtant pas le risque d’effets de ces médicaments sur l’environnement. (Pills, 2010).
II. D’OÙ VIENNENT CES RÉSIDUS DE MÉDICAMENTS ?
Concernant les médicaments à usage humain, deux sources principales de contamination des milieux ont été identifiées.
La consommation des médicaments par la population représente la principale source de rejet. Après administration, le médicament est absorbé, métabolisé (= transformé par le corps), excrété, puis rejeté dans les eaux usées. Le résidu gagne ensuite les stations d’épuration urbaines qui n’en dégradent qu’une partie. Le traitement de ces stations est en effet inégalement efficace pour éliminer ces composés.
Ainsi, alors que les œstrogènes, notamment l’hormone de la pilule, sont généralement éliminés à plus de 90 % par le traitement des stations d’épuration, d’autres molécules, comme le propranolol (un bêta-bloquant) ont un taux d’abattement (= taux d’élimination) inférieur à 20 % (Gabet-Giraud, 2009). Il est à noter que les hôpitaux ne représentent qu’environ 20% des rejets de médicaments (Pills, 2010).
Finalement, une fraction variable du médicament est rejetée dans les effluents de stations d’épuration qui sont alors dilués dans les eaux de surface, comme illustré ci-après. Une fois rejetés par l’organisme, les médicaments, comme l’ensemble des polluants, peuvent :
- se transformer en d’autres composés (= métabolites), pouvant être plus ou moins toxiques que la molécule parente ;
- se combiner avec d’autres composés : on dit alors qu’ils sont conjugués.
Les effluents hospitaliers représentent, quant à eux, une source particulière de contamination médicamenteuse. En effet, certains traitements n’étant prescrits qu’à l’hôpital, ces effluents peuvent contenir des molécules spécifiques : antibiotiques, anti-infectieux, produits de contraste iodés et anticancéreux, etc.
Les effluents hospitaliers n’étant pas traités sur place (excepté les substances radioactives), les substances pharmaceutiques se retrouvent dans les eaux usées de l’agglomération et gagnent les stations d’épuration de la ville, avant rejet d’une partie dans le milieu. En plus de ces substances médicamenteuses, ces effluents peuvent également contenir une faible dose de radioactivité du fait de traitements par radiographie (même s’il existe parfois des pré-traitements), des détergents, ou encore des bactéries résistantes à des antibiotiques (Gabet-Giraud, 2009 ; Pills, 2010).
Les rejets d’usines de fabrication ou de conditionnement de médicaments constituent la seconde source de rejets de ces composés dans l’environnement. Ces rejets peuvent en effet entraîner des pics de contamination localisés en cas de pollution accidentelle ou de mauvais traitement des effluents, notamment dans les pays en voie de développement (Besse, 2010).
Les médicaments vétérinaires pénètrent dans l’environnement par des voies différentes :
- soit par contamination directe des eaux via les élevages de poisson,
- soit de manière indirecte lors du lessivage par les eaux de pluie des sols contaminés par des élevages intensifs.
III. DES EFFETS SUR LES ÉCOSYSTÈMES ENCORE MAL CONNUS
Une fois que ces résidus de médicaments se retrouvent dans l’environnement, ils peuvent contaminer les organismes vivants et potentiellement les affecter, surtout si ils sont bioaccumulables (= peuvent s’accumuler au cours du temps dans l’organisme). Les médicaments étant, de plus, des substances créées et prescrites aux patients en raison de leurs effets dans l’organisme, on peut supposer qu’elles peuvent également induire des effets chez les autres êtres vivants.
Ainsi, un article publié dans la revue » Nature » (Oaks, 2004) relie la diminution drastique de populations de vautours du Pakistan à l’accumulation dans leur organisme de résidus d’un anti-inflammatoire, le diclofénac. En se nourrissant de bétail préalablement traité avec ce médicament, ces rapaces accumulent ce composé dans leur organisme, qui entrainerait chez eux une insuffisance rénale pouvant aboutir à la mort de l’individu. Grâce à un modèle de simulation de la population des vautours, Green a ainsi constaté que si seulement 0,13 à 0,75% des carcasses à la disposition des vautours contenaient une dose létale de diclofénac, alors lui seul serait suffisant pour avoir causé, et continuer de causer, le déclin rapide de la population (Green, 2004).
Avec des effectifs de dizaines de millions d’exemplaires il y a encore une vingtaine d’années, trois espèces autochtones de vautours ont ainsi été inscrites dès le début des années 2000 dans la catégorie « en danger critique d’extinction » par l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) .
Cet exemple est une illustration des effets potentiels de médicaments sur les écosystèmes.
L’éventualité d’un risque aigu (= à court terme) lié à la présence de résidus de médicaments dans l’environnement aquatique apparaît cependant faible en France (sauf en cas de pollution accidentelle) en raison des faibles concentrations détectées dans les eaux.
En revanche, le risque d’effets chroniques (effets à long terme) sur les écosystèmes ne peut être exclu. Certaines classes de substances pharmaceutiques ont ainsi été identifiées comme présentant un risque pour certaines familles d’organismes (données extraites de la thèse de J.P.Besse (2010)).
Des antibiotiques toxiques pour les algues et responsables de la dissémination des bactéries résistantes
Ces dernières années, de plus en plus d’antibiotiques ont été utilisés et leur présence dans le milieu aquatique est considéré comme un problème environnemental émergent. De nombreux antibiotiques prescrits ne sont que peu « absorbés » par l’organisme : 30 à 90 % de la dose de composé prescrite peut ainsi être rejetée dans les eaux usées via l’urine du patient (Berger, 1986 ; Alcock, 1999 ; Richardson et Bowron, 1985).
Certains de ces antibiotiques sont peu biodégradables : par exemple l’ampicilline et le sulfaméthoxazole. D’autres se dégradent plus rapidement mais sont aussi considérés comme des polluants persistants car ils sont introduits en continu dans l’environnement, en raison de leur forte consommation.
En raison de leurs propriétés antibactériennes, les antibiotiques sont très toxiques envers les algues bleues (= cyanobactéries) et les algues vertes. Une étude récente a par exemple mis en évidence que l’antibiotique amoxicilline induisait une diminution de la photosynthèse chez la cyanobactérie Synechocystis sp (Pan, 2008), comme l’illustre le schéma ci-dessous.
Les microalgues et cyanobactéries occupant les plus bas niveaux trophiques, c’est-à-dire la base de la chaîne alimentaire, des modifications de leur diversité ou de leur abondance pourraient avoir un effet indirect sur le reste des organismes d’eau douce (Pan, 2008).
Par ailleurs, la présence de résidus d’antibiotiques dans l’environnement pose la question de la sélection des souches bactériennes résistantes qui se retrouvent dans l’environnement et potentiellement dans nos sources d’eau potable (Besse, 2010), comme illustré dans le schéma ci-dessous :
Des hormones qui perturbent la reproduction des organismes aquatiques à des doses infimes
Les estrogènes naturels et synthétiques tels que l’éthinylestradiol, hormone de la pilule, sont une classe de substances pour lesquelles le risque pour les organismes aquatiques est avéré. L’éthinylestradiol, qui fait partie des perturbateurs endocriniens, est en effet capable d’induire des modifications dans le développement et le comportement sexuels pour des concentrations très faibles. Il a ainsi été observé une démasculinisation ou féminisation de poissons mâles pour des concentrations d’exposition de 3 ng/L. Cette démasculinisation peut se traduire chez ces individus mâles, par une diminution de la production de sperme ou même une production d’œufs. A long terme, ce type d’effets peut entraîner une diminution des tailles de population pouvant induire des effets sur l’ensemble de la chaîne alimentaire.
Des effets de ces composés ont également été mis en évidence lors de tests en laboratoires. Il a ainsi été montré que l’éthinylestradiol (EE2) provoquait une augmentation de la production d’embryons chez des escargots (Potamopyrgus antipodarum) à très faibles doses, ce qui est illustré par le graphique ci-dessous (Jobling, 2004) :
Ce graphique montre également que l’effet n’augmente pas forcément avec la dose du composé. Une concentration de 100 ng/L d’EE2 a ainsi moins d’effet qu’une concentration de 25 ng/L. Ce phénomène, typique des composés qualifiés de perturbateurs endocriniens , montre bien la complexité d’évaluer l’impact des résidus de médicaments sur les écosystèmes.
Des effets comparables ont également été mis en évidence chez des poissons mis en présence de quantités infimes d’EE2 (Jobling, 2004).
Des médicaments anticancereux potentiellement dangereux
Enfin, le risque lié aux anticancéreux n’est pas encore défini. Jusqu’à présent, ces molécules ne sont que peu détectées dans les eaux de surface. Elles sont cependant potentiellement dangereuses pour l’environnement en raison de leurs propriétés particulières (carcinogènes, mutagènes et génotoxiques) (Besse, 2010). A titre d’exemple, une étude a rapporté que le tamoxifène, utilisé dans le traitement des cancers du sein, pouvait inhiber le développement de larves de copépodes (des petits crustacés) à faible dose (CE50= 49 µg/L) (Andersen, 2001).
Un cocktail de médicaments et autres substances
Ainsi, certaines familles de substances pharmaceutiques semblent présenter un danger potentiel pour les organismes vivants, même si on ne connait grand chose sur les effets réels des médicaments sur l’ensemble des écosystèmes. Par ailleurs, les études portant sur les mélanges de composés et leurs interactions possibles sont encore peu nombreuses. Pourtant, au vu des niveaux de concentrations relevés dans l’environnement, il est possible que les effets toxiques des substances médicamenteuses s’exercent principalement via une interaction entre elles et/ou avec d’autres contaminants.
Enfin, de faibles concentrations de médicaments pourraient agir de manière indirecte, c’est-à-dire en perturbant l’homéostasie (= les équilibres) des organismes et en les rendant plus sensibles à d’autres polluants environnementaux (pesticides, hydrocarbures, métaux) ou à des agents infectieux (Besse, 2010).
IV. QUELLES SOLUTIONS POUR PRÉVENIR CE RISQUE ?
Réduire les émissions à la source ?
La prise de conscience de la contamination de l’environnement par les rejets de médicaments et de leurs effets potentiels, a conduit les États à définir et mettre en place des actions, au niveau législatif et scientifique. Ainsi, les industriels sont désormais tenus d’évaluer le risque environnemental des médicaments dont ils souhaitent obtenir l’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM). L’impact environnemental ne peut toutefois pas être un critère de refus de mise sur le marché.
Dans un autre registre, l’EMEA (European Medicines Agency) recommande désormais de faire figurer une indication des risques potentiels pour l’environnement sur les notices de médicaments, accompagnée de précautions d’utilisation engageant les patients et les professionnels de santé à mieux stocker les médicaments ainsi qu’à mieux gérer les déchets (Ema.europa.eu, 2012).
Ces actions, bien que modestes, constituent un premier pas vers une réduction à la source des rejets de médicaments potentiellement dangereux pour l’environnement.
Il est par ailleurs nécessaire de sensibiliser les consommateurs aux bonnes pratiques environnementales en les incitant à ne pas rejeter des restes de médicaments dans l’évier, à ramener les médicaments périmés à la pharmacie, ou encore à ne pas consommer de médicaments en excès.
Enfin, le traitement des effluents des usines de fabrication de médicaments pourrait être optimisés afin de réduire les rejets polluants dans l’environnement.
Mieux traiter en station d’épuration pour moins rejeter dans l’environnement ?
Les stations d’épuration des eaux (STEP) représentent la dernière barrière entre les eaux usées et les rivières. Une des solutions peut donc consister à mieux traiter les eaux usées dans ces usines afin d’éliminer les résidus de médicaments et ne plus les rejeter dans les milieux aquatiques. Dans différents pays européens tels que la Suisse, cette stratégie est dores et déjà en cours de mise en œuvre.
Une fois que les eaux ont été traitées de façon classique, un traitement supplémentaire peut être appliqué afin d’éliminer les micropolluants (= polluants susceptibles d’avoir une action toxique à des concentrations infimes) dont les résidus de médicaments. Ce traitement supplémentaire s’inspire des techniques de potabilisation :
- ozonation : ce traitement « casse » les molécules de médicaments pour former des molécules davantage biodégradables. Cependant, étant donné le peu de connaissance des sous-produits du processus, certains étant potentiellement toxiques, les chercheurs recommandent d’ajouter un filtrage sur sable pour les éliminer. Les résultats présentés par les Suisses semblent encourageants : sur les 47 substances retenues, seules huit ne sont pas éliminées à plus de 80%. Des résultats confirmés par le programme communautaire Poséidon qui a mis en évidence l’efficacité de l’ozone dans la destruction des micropolluants ciblés (des résidus de médicaments et de soins corporels). Ainsi, 34 des 35 médicaments ont été totalement détruits après un traitement d’une vingtaine de minutes.
- piégeage sur du charbon actif : ce traitement constitue une deuxième technique de potabilisation qui pourrait être appliquée pour éliminer les micropolluants en sortie de STEP. Si la technique semble efficace, la régénération du charbon actif est néanmoins difficile à estimer. Comme pour la technique précédente les résultats sont encourageants : seules six des 47 substances ne sont pas éliminées à plus de 80%. Seul bémol, cette technologie accroît les volumes de boues à éliminer (boues = résidus du traitement des eaux usées) (Actu-environnement.com, 2012).
Ces traitements s’accompagnent la plupart du temps d’une filtration membranaire.
En Suisse notamment, le traitement par ozonation tend à se généraliser dans les grandes et moyennes stations d’épuration, contrairement à la France où il n’est pas encore mis en œuvre. Ces traitements ont évidemment un coût, qui, s’ils sont mis en place en France, se répercutera sur le prix de l’eau. La Suisse estime à environ 1 milliard d’euro le coût pour équiper une centaine de stations d’épuration. Le parlement suisse devrait ainsi se prononcer à l’automne sur une modification de la loi sur la protection des eaux qui prévoirait notamment une taxe maximale de 9 Frs(7,5€)/hab./an pour financer 75% des investissements nécessaires (OFEV, 2013).
C’est peut-être à ce prix que les milieux aquatiques et nos sources d’eau potable seront mieux préservés de ce type de pollution. De nombreux tests (pilotes de traitement) sont en cours en France et dans le monde, afin d’évaluer la réelle efficacité de ces traitements et afin de les optimiser, pour les rendre plus efficaces, moins énergivores et moins coûteux (La lettre du Léman, 2010).
Cette solution, si elle était mise en œuvre, ne résoudrait cependant pas à elle seule le problème des résidus de médicaments et micropolluants : la fraction de micropolluants non éliminée par les traitements par ozonation et/ou charbon actif rejoindrait le milieu aquatique et les médicaments à usage vétérinaire, qui ne transitent pas par les stations d’épuration, continueraient à être rejetés via le lessivage des sols par les eaux de pluie. Par ailleurs, ces solutions de traitement sont très consommatrices en énergie (de 5 à 30% de plus en moyenne pour une station d’épuration) (OFEV, 2012).
Une stratégie de réduction à la source, mise en place grâce à une meilleure connaissance de ces résidus et de leur impact sur l’environnement, est donc également nécessaire pour venir à bout de cette pollution.
Mieux connaître les impacts des médicaments sur l’environnement
Comme nous l’avons vu précédemment, les effets des résidus de médicaments sur l’environnement sont encore largement méconnus. L’État, prenant conscience de ce problème, a récemment lancé un Plan National sur les Résidus de Médicaments afin d’agir sur cette question. De nombreux programmes de recherche visant à évaluer la présence et les effets biologiques des rejets médicamenteux ont également été lancés ces dernières années.
Ainsi, le projet SIPIBEL (Site Pilote Bellecombe) a été mis en place à partir de 2011, en Haute-Savoie, afin d’étudier les effluents hospitaliers du nouveau Centre Hospitalier Alpes Léman (CHAL), mis en service en février 2012. SIPIBEL est un site d’étude constitué (Graie-sipibel, 2012):
- du nouvel hôpital Alpes Léman
- d’une station d’épuration qui traite séparément les eaux usées de l’hôpital et les eaux usées de la ville
- d’une rivière (l’Arve, affluent du Rhône) dans laquelle sont rejetées les eaux usées après traitement
Ce projet prévoit un suivi des effluents urbains et hospitaliers et leur impact potentiel sur la rivière, à travers des analyses physico-chimiques (médicaments, détergents, etc.) microbiologiques (bactéries pathogènes et/ou résistantes à des antibiotiques) et écotoxicologiques sur différents points de prélèvements (voir schéma ci-dessous). Ce dispositif d’observation est complété par différents programmes de recherche qui viennent approfondir des points particuliers tels que le traitement, le développement de nouvelles méthodes de mesure des médicaments ou encore l’évaluation de l’impact des effluents hospitaliers sur l’écosystème.
Ce projet permet donc :
- d’étudier la composition et les caractéristiques de l’effluent hospitalier et de les comparer avec l’effluent urbain (= eaux usées de la ville) : résidus de médicaments, détergents, métaux lourds, bactéries résistantes à des antibiotiques, etc.
- de tester différents types de traitement et d’évaluer leur efficacité : en testant l’efficacité des traitements classiques des stations d’épuration sur l’élimination des médicaments et d’autres substances potentiellement dangereuses. Il pourra également permettre de mettre au point de nouveaux traitements, tels que l’ozonation.
- d’évaluer les effets de l’effluent hospitalier sur les écosystèmes aquatiques : analyses des concentrations de médicaments et autres molécules dans la rivière, étude des effets potentiels de l’effluent hospitalier grâce à des tests écotoxicologiques, etc.
Ce projet, porté par le Syndicat Intercommunal de Bellecombe et le GRAIE (Groupe de Recherche Rhône-Alpes sur les Infrastructures et l’Eau) est prévu pour durer au moins jusqu’en 2015. Les premiers résultats seront communiqués en février 2013. D’autres projets de recherche ont été lancés en France et dans le monde, comme le projet européen PILLS, qui s’intéresse spécifiquement au traitement des résidus de médicaments par les stations d’épuration (Pills, 2010).
Ces programmes de recherche associés au retour d’expérience d’autres pays, notamment dans le traitement des micropolluants, doivent permettre à la France de mieux asseoir sa stratégie en matière de résidus de médicaments, qui représentent un risque potentiel pour les écosystèmes.
Pour conclure, une vidéo du site Medicamentsdansleau.org
Article rédigé par Vivien Lecomte, 7 janvier 2013 – Ecotoxicologie.fr : tous droits réservés
EN SAVOIR PLUS…
– Medicamentsdansleau.org : Projet d’animation territoriale et de sensibilisation à la problématique des médicaments dans l’environnement, développé dans la dynamique du site pilote de Bellecombe – SIPIBEL sur l’aval du bassin de l’Arve en Haute-Savoie => Vidéos dessinés et ressources documentaires.
– Plan national sur les résidus de médicaments dans les eaux (PNRM) 2010-2015 : Plan interministériel co-piloté par le ministère chargé de la santé et le ministère chargé de l’écologie
– Wikipharma : Base de données très complète rassemblant des données toxicologiques et écotoxicologiques pour de nombreuses substances pharmaceutiques – 2012
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4 commentaires
Houda
Très bon article merci énormément pour vos efforts
AYOUNE
Excellent article ! Illustrations remarquables.
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Darine Abada
Excellent article , très intéressant!