Covid-19 désinfection

Covid-19 : la désinfection massive des lieux publics est-elle réellement utile ?

Depuis le début de l’épidémie de Covid-19, de grandes quantités de produits désinfectants sont utilisées dans les lieux publics dans le but de limiter la propagation du Coronavirus. Il est évident que des mesures d’hygiène supplémentaires sont nécessaires en cette période, et particulièrement dans les zones à haut risque infectieux comme les hôpitaux, les cliniques et les maisons de retraite. Mais la désinfection des entreprises, des crèches, des écoles ou des rues est-elle réellement utile ? N’y a-t-il pas un risque pour notre santé et notre environnement à disperser de telles quantités de produits désinfectants ? Existe-t-il des alternatives ?

I. COVID-19 : LA DÉSINFECTION MASSIVE ÉRIGÉE EN ABSOLUE NÉCESSITÉ

1. L’absence de vaccin et de traitement suffisamment efficace

A ce jour, il n’existe toujours pas de vaccin ni de médicaments hautement efficaces pour lutter contre le virus SARS-COV-2, responsable de l’épidémie de Covid-19. Aussi, comme le souligne le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) « les mesures non pharmaceutiques (gestes barrières, distanciation physique, mesures d’hygiène, organisations individuelles et collectives) sont d’une extrême importance pour atténuer la diffusion du Coronavirus dans la communauté, protéger les personnes vulnérables, permettre la prise en charge hospitalière des cas les plus sévères et éviter la saturation des hôpitaux ».

Le HCSP insiste également sur l’importance du nettoyage et de la désinfection des milieux publics extérieurs et intérieurs, nécessaires selon lui pour maîtriser complètement la transmission et la persistance environnementale du virus, et ainsi prévenir une possible deuxième vague épidémique (HCSP, 2020). A température ambiante, le virus déposé sur une surface pourrait en effet rester infectieux pendant une durée allant de quelques heures (cuivre) à 3 jours (plastique, acier inoxydable) (Doremalen, 2020).

2. La désinfection tout azimut

Devant la nécessité de protéger la santé des personnels de soin, des patients, des salariés des entreprises, des clients et des écoliers, le nettoyage et la désinfection massive des sols, des surfaces, des équipements… et des mains, ont été érigés en absolue nécessité.

Dans son avis du 24 avril 2020, le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) recommandait par exemple dans les écoles, les crèches et les entreprises, de « nettoyer et désinfecter, si possible deux fois par jour, les surfaces et les objets qui sont fréquemment touchés (poignées de porte, interrupteurs, robinets d’eau, tables, rampes d’escaliers, les aires de jeux, etc.) » (HCSP, 2020). De même, vous avez certainement remarqué que dans la plupart des supermarchés, les caddies, paniers, tapis de caisse et autres surfaces fréquemment touchées par les personnels et les clients sont désinfectés très fréquemment, sans compter les appels à utiliser le gel hydro-alcoolique mis à disposition.

Aux États-Unis, la ville de New York a fermé son réseau de métros tous les soirs pour la première fois en 116 ans de fonctionnement, pour désinfecter l’ensemble des sièges, des poteaux et des murs avec une variété d’« armes antiseptiques ». A Wauchula, en Floride, le gouvernement local a donné à un habitant la permission de pulvériser la ville avec du peroxyde d’hydrogène (Theatlantic.com, 2020).

Et en Asie, on va même jusqu’à désinfecter les personnes ! En Indonésie, ce sont les passagers d’un avion qui ont été aspergés de désinfectants. Dans la ville de Chongqing, en Chine, les employés d’une entreprise doivent passer dans un « tunnel de désinfectants » lorsqu’ils entrent et sortent de leur bâtiment de travail.

Désinfection, de quoi parle-t-on ?

Alors qu’un détergent est fait pour nettoyer (ex : le savon, la lessive), un produit désinfectant est fait pour désinfecter, c’est-à-dire détruire des micro-organismes tels que les bactéries, les virus et les champignons. Plus précisément, selon la norme AFNOR NF T 72 101, la désinfection est une opération au résultat momentané, permettant d’éliminer ou de tuer tous les micro-organismes et/ou d’inactiver les virus indésirables.

Les produits désinfectants font l’objet d’utilisations diverses, qui vont de l’hygiène des mains (ex : gel hydro-alcoolique) à la désinfection de l’eau potable (ex : chlore), en passant par l’entretien des sols (ex : javel), du mobilier, des équipements et des surfaces.

II. LE REMÈDE NE DOIT PAS ÊTRE PIRE QUE LE MAL

Des mesures d’hygiène supplémentaires sont évidemment nécessaires en période d’épidémie. Renforcer les fréquences de nettoyage dans les lieux sensibles, se laver régulièrement les mains au savon ou se désinfecter les mains au gel hydro-alcoolique sont des pratiques que nous devons tous respecter à la lettre.

1. Des risques pour la santé

Cependant, la situation épidémique que nous vivons ne doit pas nous faire oublier que les désinfectants contiennent des substances chimiques toxiques très puissantes qui peuvent avoir des conséquences importantes sur la santé des utilisateurs et des personnes exposées. Certains de ces produits (NB : je mets à part le gel hydro-alcoolique : voir encadré plus bas) sont connus pour leur nocivité sur la peau et les voies respiratoires, pour leurs propriétés cancérigènes ou pour leurs effets perturbateurs endocriniens. L’exposition à des produits désinfectants durant les premières années de vie pourrait même favoriser l’obésité chez le jeune enfant (Guide ASEF Covid-19, 2020).

Ceci est d’autant plus vrai lorsqu’ils sont utilisés sans précautions particulières (non port des équipements de protection, non respect des obligations de rinçage ou des délais d’éviction avant réintégration des locaux) et par des personnes non formées, comme c’est fréquemment le cas actuellement (Letemps.ch, 2020).

2. Des risques pour l’environnement

Certains de ces produits, dont une partie est rejetée dans les eaux après utilisation, sont également particulièrement nocifs pour l’environnement. On sait notamment que la présence de résidus de désinfectants dans les eaux usées est susceptible de perturber le fonctionnement des stations d’épuration, et ainsi de diminuer l’efficacité d’élimination des autres substances polluantes présentes (Carenco, 2017). En outre,  les résultats préliminaires d’une étude de l’INERIS mettent en lumière la présence de traces de désinfectants dans les eaux de surface françaises et un risque environnemental significatif pour certaines substances (Colloque antibiorésistance, 2019). Enfin, il est reconnu que l’utilisation de désinfectants favorise le développement de bactéries résistantes aux antibiotiques.

On peut donc se demander si une utilisation aussi intensive de produits désinfectants ne peut pas avoir des conséquences à long terme plus graves que le virus lui-même, et si le remède n’est pas pire que le mal (Chèvre, 2020).

Désinfectant pour les mains : du gel hydro-alcoolique

Non, les solutions hydro-alcooliques recommandées par les autorités sanitaires ne favorisent pas le cancer !

Selon un site internet spécialisé dans le domaine de la santé (dont je ne citerai pas le nom pour ne pas lui faire de pub), ces gels seraient (entre autres) « cancérigènes », et nous devrions arrêter de les utiliser. Or, s’il est vrai que ces produits essentiellement composés d’eau et d’éthanol peuvent provoquer des irritations cutanées, des réactions allergiques et ne doivent pas être ingérés, ils ne favorisent en aucun cas l’apparition de cancers (Factuel.afp.com, 2020).

En effet, l’évaluation menée par l’ANSES sur l’utilisation de l’éthanol en milieu professionnel n’a mis en évidence aucun risque chronique pour la santé, que ce soit par inhalation ou par contact avec la peau (ANSES, 2016). L’éthanol est également peu toxique vis à vis des organismes aquatiques (Substances.ineris.fr, 2018).

Les gels hydro-alcooliques demeurent donc une alternative au lavage des mains au savon en l’absence de point d’eau à proximité.

Lire aussi | Les désinfectants sont toxiques pour l’environnement

III. L’EFFICACITÉ DE LA DÉSINFECTION MASSIVE DES LIEUX PUBLICS POSE QUESTION

Personne ne remet en cause la nécessité de la désinfection dans les hôpitaux, les cliniques et les EHPAD (et autres établissements médico-sociaux). Dans ces zones à haut risque infectieux, l’usage de doses importantes de produits désinfectants est indispensable en période d’épidémie*.

Désinfection d'une rue pendant l'épidémie de Covid-19
Désinfection d’une rue pendant l’épidémie de Covid-19 – Source : ali güler de Pixabay

En revanche, la question de l’utilité de la désinfection massive des lieux « non sensibles », tels que les entreprises « lambda » (bureaux), les cinémas, les musées, les salles de sport, les écoles ou les crèches, reste ouverte. Les bénéfices de cette pratique sont-ils suffisamment importants face aux risques liés à l’utilisation des produits désinfectants ?

Pour la désinfection des rues, opérée à Nice notamment, le Haut Conseil de la Santé Publique a déjà tranché : « aucun argument scientifique n’en a démontré l’efficacité et le risque de contamination d’une personne par la voirie paraît négligeable » (HCSP, 2020). Pour le reste, les autorités sanitaires ne se sont pas réellement prononcées mais la question mérite d’être posée.

*NB : hors période épidémique en revanche, des alternatives existent pour réduire l’utilisation de ces produits

1. La propagation de la maladie se fait essentiellement par voie aérienne

Pour certains, l’épidémie de Covid-19 est une guerre qui ne sera gagnée qu’avec des « explosions antimicrobiennes », afin de garantir que le virus soit banni de chaque centimètre carré. Pourtant, si les inconnues restent nombreuses à ce jour, les scientifiques ont désormais des certitudes concernant la façon dont cette maladie se propage… et c’est essentiellement par voie aérienne (Theatlantic.com, 2020). Le virus se transmet généralement entre les personnes  :

  • par de grosses gouttelettes expulsées lors des éternuements et de la toux ;
  • ou par de petites gouttelettes en aérosol lors de conversations au cours desquelles la salive peut persister dans l’air.

2. Le risque d’être infecté par le virus en touchant une surface contaminée est faible

La transmission du virus par contact avec une surface (toucher les poignées de porte, le courrier, les poteaux du métro, des emballages alimentaires, etc.) semble en revanche assez rare.

Ceci est vrai dans un espace public mais aussi entre les personnes vivant dans un même logement, selon une étude menée par des chercheurs de l’Université de Bonn* (Döhla, 2020). Pour parvenir à cette conclusion, les scientifiques ont recherché des traces de particules d’ARN du Coronavirus dans 21 logements comprenant chacun au moins une personne infectée.

Les résultats de leurs analyses ont révélé la présence de particules du virus** :

  • dans seulement 3 % des échantillons des objets les plus fréquemment touchés : poignées de portes, vêtements, appareils électroniques, etc. ;
  • et dans 15 % des échantillons d’eaux usées prélevés dans les salles de bain et les toilettes

De plus, la présence de particules d’ARN du Coronavirus ne signifie pas forcément que le virus détecté soit infectieux. Il peut s’agir de « restes » de virus n’ayant pas survécu au temps ou aux produits de nettoyage/désinfection appliqués. Pour le savoir, les chercheurs ont réalisé des cultures cellulaires à partir de l’ensemble des échantillons prélevés… dans lesquels ils ne sont pas parvenus à mettre en évidence de virus actif. Ainsi, il n’y a aucune preuve qu’une personne entrant en contact avec ces surfaces et eaux usées puisse être infectée par le virus.


Recherche de traces du virus SARS-CoV-2 (Covid-19) dans les objets, les eaux usées et l’air de logements de ménages placés en quarantaine – D’après le protocole de l’étude de Manuel Döhl et al. (2020), en cours d’évaluation par les pairs – © Ecotoxicologie.fr – Licence : Tous droits réservés

Selon les agences fédérales américaines (CDC), « toucher une surface n’est donc pas considéré comme le principal moyen de propagation du virus ». En France, dans une note consacrée aux courses alimentaires, l’ANSES indique que « le risque d’être en contact avec le virus en manipulant des objets ayant été contaminés n’est théoriquement pas exclu, mais il est faible » (ANSES, 2020b).

Ayant affaire à un virus potentiellement mortel, un risque faible de transmission par les surfaces justifie sans équivoques les consignes sanitaires comportementales : éviter de se toucher le visage dans un lieu public, se laver régulièrement les mains, retirer les suremballages alimentaires avant de les ranger…. Mais un risque faible de transmission justifie-t-il la dispersion de grandes quantités de produits désinfectants toxiques dans notre environnement ? Pas sûr, d’autant qu’il existe des alternatives… (nous y reviendrons plus bas).

3. Un faux sentiment de sécurité

Selon le journaliste américain Derek Thompson, la désinfection massive crée également un faux sentiment de sécurité, qui pourrait ironiquement conduire à davantage d’infections (Theatlantic.com, 2020). Aux États-Unis, qui ont subi cet été une « vague » de Coronavirus, de nombreux bars, restaurants et salles de sport, où les clients soufflent et se respirent l’air vicié les uns des autres, n’auraient pas dû être ouverts. Au lieu de cela, beaucoup de ces établissements se sont vantés de leurs pratiques de nettoyage/désinfection tout en invitant du public dans des espaces intérieurs non ventilés. Pourtant, aucune quantité d’eau de javel ne peut empêcher une contamination par voie aérienne.

De même, l’application de désinfectants par des personnes ne connaissant pas (ou approximativement) les consignes d’application peut nuire à l’efficacité de ces produits et créer une fausse impression de sécurité. Par exemple, les supports utilisés doivent être propres et les temps d’application doivent être suffisants.

S’agissant d’une menace de contamination essentiellement aérienne, mieux vaut probablement :

  • donner la priorité à une bonne ventilation dans les lieux intérieurs, au déplacement d’activités à l’extérieur, aux masques et à la distanciation sociale (sans oublier le lavage des mains bien sûr) ;
  • et, pour garantir l’hygiène des surfaces, préférer d’autres produits moins dangereux que les désinfectants, mais à l’efficacité également reconnue contre le coronavirus (voir ci-après).

*Étude à ce jour non évaluée par les pairs (processus de relecture par d’autres scientifiques en cours)

**Concernant les objets, les pourcentages d’échantillons positifs les plus élevés sont pour « les poignées et boutons » (6 % d’échantillons positifs) et « les meubles et ameublement » (5 %). Les analyses réalisées sur les prélèvements d’air n’ont pas mis en évidence de particules du virus.

IV. LES ALTERNATIVES À LA DÉSINFECTION POUR LUTTER CONTRE LE COVID-19

1. Les détergents, savons, dégraissants et détachants sont efficaces contre le Coronavirus

En période d’épidémie, il faut adapter les méthodes d’entretien aux caractéristiques de l’agent infectieux, car les différents types de micro-organismes ne sont pas sensibles aux mêmes produits. Or, les désinfectants ne sont pas les seuls produits auxquels est sensible le virus SARS-CoV2, responsable de l’épidémie de Covid-19…. et c’est une chance (Guide ASEF Covid-19, 2020).

En effet, les savons (savon de Marseille et savon noir), les produits dégraissants, les détergents et les détachants sont efficaces contre le Coronavirus. La raison de cette efficacité est simple : le virus étant entouré d’une enveloppe de graisses (lipides), ces produits peuvent facilement le dégrader, et ainsi le rendre inactif.

Le SARS-COV2, virus du COVID-19 est entouré d'une enveloppe lipidique (graisses), sensible aux produits détergents  - Source : Schémas de la structure des coronavirus
Le SARS-CoV2, virus du Covid-19, est entouré d’une enveloppe lipidique (graisses), sensible aux produits détergents – Source : schémas dérivés d’une image du CDC, réalisés par Scientificanimations.com (schémas modifiés par Ecotoxicologie.fr) – Licence : Creative CommonsAttribution-Share Alike 4.0 International

A l’inverse, le virus SARS-CoV2 semble bien résister aux milieux acides (pH faible) et alcalins (pH élevé). Ainsi, le vinaigre blanc (acide acétique), le citron (acide citrique) et le bicarbonate de soude sont inefficaces (Coronavir.org, 2020a).

En routine, dans les entreprises et dans les établissements recevant du public (mais aussi à la maison !) -hors lieux de soins et lieux dédiés à l’accueil de personnes vulnérables ou sensibles présentant un risque de déclenchement de formes graves de Covid-19-, un nettoyage des surfaces avec des produits détergents est donc suffisant.

Produits d'entretien efficaces (hormis les désinfectants) et inefficaces contre le virus SARS-CoV2, responsable du COVID-19
Produits d’entretien efficaces (mis à part les désinfectants) et inefficaces contre le virus SARS-CoV2, responsable du Covid-19 – Sources des informations : ASEF, 2020 et Coronavir.org, 2020 – Source image coronavirus : Pixabay – © Ecotoxicologie.fr – Licence : Tous droits réservés

2. L’importance de frotter

Dans les études de laboratoire, les désinfectants sont plus rapidement actifs contre le virus que les produits détergents. Cependant, selon le Docteur Philippe Carenco, médecin hygiéniste à l’hôpital de Hyères (Var) et membre de l’ASEF, « ces études sont réalisées en mettant simplement en contact le virus et le produit testé dans des éprouvettes. Elles ne prennent pas en compte le fait que, dans l’usage réel d’un détergent, on frotte la surface (NB : avec une éponge, une serpillière, un chiffon, etc.) ».

Lavage des mains au savon
Source : Pixabay

Or, les détergents sont efficaces contre le virus grâce aux tensioactifs qu’ils contiennent, mais aussi grâce à l’action mécanique qui accompagne leur application. Ainsi le Dr Carenco ajoute que « Pour le virus de la grippe par exemple (lui aussi est entouré d’une enveloppe de graisses), il a été démontré que le savonnage actif est plus rapidement efficace pour détruire le virus sur les mains que la simple application d’alcool sans frottage. Il est fort probable qu’il en soit de même pour le Coronavirus. ».

En outre, il existe des variations importantes d’efficacité des produits désinfectants selon le degré de propreté de la surface, la nature du support et la température extérieure.

3. La vapeur est également efficace contre le virus

Les virus comme le SARS CoV-2 sont sensibles à la vapeur. Les nettoyeurs vapeurs peuvent donc constituer une alternative aux produits chimiques pour nettoyer les surfaces (Guide ASEF Covid-19, 2020).

Attention néanmoins. A la périphérie de l’applicateur, la chaleur est beaucoup moins importante et la pression générée par la vapeur peut engendrer une aérosolisation des particules, qui n’auront pas eu le temps d’être décontaminées. Il est donc préférable d’utiliser un accessoire d’application fermé avec une microfibre ou une lingette (pas de buse simple), qui permet de garder une chaleur interne importante et de limiter la pression sur la zone non désinfectée, et donc la contamination aérienne. Il est également préconisé de passer du temps sur les surfaces et de choisir une pression faible (Coronavir.org, 2020b).

4. L’utilisation de produits désinfectants doit être l’exception

Mieux vaut le dire deux fois qu’une, les solutions hydro-alcooliques (qui sont des produits désinfectants) peuvent être utilisées sans risques pour la santé, et constituent une alternative au lavage des mains avec savon, en cas d’absence de point d’eau. On peut également utiliser un chiffon ou un essuie-tout imbibé d’alcool à 70° (70 %) pour désinfecter les petits objets fréquemment touchés tels que les poignées de porte (ANSES, 2020b). Mais pour le reste, l’utilisation de produit désinfectant doit rester l’exception. Ceci est particulièrement vrai dans les milieux hébergeant des personnes sensibles à ces produits, comme les nourrissons et enfants en bas âge, les femmes enceintes et les personnes souffrant d’un problème respiratoire.

L’usage de désinfectants ménagers ne doit donc être mise en œuvre que si une évaluation des risques le justifie, notamment en cas de circulation active du virus dans une entreprise ou un établissement (Ministère du Travail, 2020).

L’eau de javel est à éviter

En cas de présence d’une personne infectée par le virus du Covid-19, l’utilisation de produits désinfectants peut se justifier pour les points fréquemment touchés et les toilettes. Dans ce cas, mieux vaut faire appel à des produits du commerce vendus dans ce but (les plus utilisés sont à base d’ammoniums quaternaires comme le chlorure de benzalkonium ou le chlorure de didécyldiméthyl ammonium) et éviter les produits à base d’eau de javel. En effet, si l’eau de javel est le produit désinfectant ménager le plus courant, elle est pourtant à proscrire en raison de ses effets délétères sur notre santé et sur l’environnement (Guide ASEF Covid-19, 2020).

V. DES CONSIGNES SANITAIRES AMBIGUËS

Début mai 2020, la perspective du déconfinement en France a généré chez les employeurs, les maires (avec la réouverture progressive des écoles) et les responsables d’établissements recevant du public, une situation très anxiogène de mise en responsabilité. Ceux-ci souhaitaient donc s’entourer de toutes les garanties face aux risques de contamination des personnes dans leurs locaux.

Or, en matière d’entretien des sols et surfaces, les consignes actuelles des autorités sanitaires sont pour le moins ambiguës.

1. Le ministère du travail recommande l’utilisation de détergents et de la vapeur

Quelques jours avant le début du déconfinement, le Ministère du Travail a publié un « Protocole national de déconfinement pour assurer la santé et la sécurité des salariés » (protocole mis à jour depuis, et qui devrait être réactualisé d’ici début septembre). Ce guide détaille l’ensemble des mesures de protection sanitaire à mettre en œuvre dans les entreprises : distanciation physique, port du masque, gestion du flux des personnes, prise de température, etc.

Concernant le sujet qui nous intéresse, le guide détaille des recommandations pour « le nettoyage / la désinfection des surfaces et l’aération des locaux ». Certaines phrases peuvent prêter à confusion puisqu’elles mêlent les termes « nettoyage » et « désinfection » sans qu’on comprenne bien quels produits doivent être utilisés. Néanmoins, la dernière version du guide publiée au 3 août 2020 reconnaît explicitement l’efficacité des produits détergents sur le virus, mais aussi celle de la vapeur, ce qui n’était pas le cas dans la première version mise en ligne début mai. Une évolution qui va dans le bon sens donc.

Le guide met également en garde contre les risques liés à l’usage de produits désinfectants, et précise que ceux-ci ne doivent être utilisés que lorsqu’ils sont strictement nécessaires.

Des recommandations cohérentes donc, qui doivent être suivies par les employeurs.

Extraits du « protocole national de déconfinement pour assurer la santé et la sécurité des salariés » (version du 3 août 2020)

Phrase pouvant prêtée à confusion : « Nettoyage fréquent des surfaces et des objets qui sont fréquemment touchés : par un produit actif sur le virus SARS-CoV-2 afin de garantir la désinfection. »

Recommandations concernant le nettoyage quotidien après ouverture de l’entreprise : « Le nettoyage journalier des sols et des matériels se fait par les procédés habituellement utilisés dans l’entreprise. Pour nettoyer les surfaces et objets fréquemment touchés et potentiellement contaminés, il conviendra d’utiliser un produit actif sur le virus SARS-CoV-2 […]. Par exemple, les savons, les dégraissants, les détergents et les détachants qui contiennent un ou plusieurs tensioactifs […] ou le nettoyage à la vapeur sont proposés. Lorsque l’évaluation des risques le justifie, notamment en cas d’une circulation active du virus SARS-CoV-2 dans l’entreprise, une opération de désinfection peut être effectuée en complément du nettoyage […]. Les opérations de désinfection ne doivent être réalisées que lorsque strictement nécessaires car l’usage répétitif de désinfectants peut créer un déséquilibre de l’écosystème microbien et des impacts chimiques environnementaux non négligeables ; en outre une désinfection inutile constitue une opération de travail à risque pour les travailleurs (exposition aux produits chimiques, troubles musculo-squelettiques..) ».

2. Mais le Haut Conseil de la Santé Publique associe systématiquement désinfection et nettoyage

Dans ses « préconisations relatives à l’adaptation des mesures barrières et de distanciation sociale à mettre en œuvre en population générale » publiées le 24 avril 2020, le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) évoque uniquement l’association « nettoyage/désinfection » pour lutter contre le Coronavirus. Nulles mentions explicites de l’efficacité des savons, des détergents et de la vapeur.

Les consignes actuelles du HCSP pour éliminer le virus du Covid-19, sont donc d’utiliser en complément des produits de nettoyage, des produits désinfectants virucides (NF/EN 14476) dans l’ensemble des établissements recevant du public, dans les écoles et dans le milieu professionnel.

Extraits des « Préconisations du HCSP relatives à l’adaptation des mesures barrières et de distanciation sociale à mettre en œuvre en population générale » (24 avril 2020)

Dans l’introduction du document: « Enfin, pour maîtriser complètement la transmission et la persistance environnementale du virus, cette doctrine globale est complétée par 3 mesures environnementales : 1. Nettoyage et désinfection des milieux publics extérieurs et intérieurs […].
Dans les écoles : « Nettoyer et désinfecter régulièrement les surfaces et les objets qui sont fréquemment touchés (si possible deux fois par jour) […]. Nettoyer avec les produits de nettoyage habituels. Pour la désinfection, la plupart des désinfectants ménagers courants devraient être efficaces s’ils respectent la norme de virucidie pour les virus enveloppés ».

3. Quelles sont les consignes sanitaires pour la rentrée scolaire 2020 ?

Pour le début de l’année scolaire 2020-2021, le HCSP a prévu trois doctrines (scénarios) tenant compte de l’évolution de l’épidémie (HCSP, 2020b). Au 27 août 2020, le protocole sanitaire publié par le Ministère de l’Éducation nationale est basé sur la doctrine la moins contraignante. Aussi, les recommandations relatives au nettoyage et à la désinfection des locaux ont été considérablement allégées… et c’est tant mieux.

On peut cependant regretter qu’une nouvelle fois, ce protocole :

  • ne fasse pas état des produits et méthodes efficaces contre le Coronavirus (détergents, savon noir, vapeur…) ;
  • n’affirme pas l’inutilité de la désinfection des sols dans les écoles ;
  • et ne mette pas en garde contre les risques liés à l’utilisation de produits désinfectants vis à vis des enfants.

Sans ces précisions, certains établissements pourraient en effet être tentés de « faire du zèle » dans l’usage de produits désinfectants.

En outre, en cas de dégradation du contexte sanitaire, le Ministère de l’Éducation Nationale pourrait demander l’application de la doctrine la plus contraignante. Celle-ci est calquée sur la situation d’avril 2020 et recommande toujours « un nettoyage/désinfection de l’environnement plusieurs fois par jour », sans explicitation des méthodes/produits à utiliser.

Extraits du Protocole sanitaire des écoles et établissements scolaires (19 août 2020)

« Le nettoyage et la désinfection des locaux et des équipements sont une composante essentielle de la lutte contre la propagation du virus. Avec l’appui de la collectivité locale, il revient à chaque école et établissement de l’organiser selon les principes développés ci-après. Un nettoyage des sols et des grandes surfaces (tables, bureaux) est réalisé au minimum une fois par jour. Un nettoyage désinfectant des surfaces les plus fréquemment touchées par les élèves et personnels dans les salles, ateliers et autres espaces communs (comme les poignées de portes) est également réalisé au minimum une fois par jour. Les tables du réfectoire sont nettoyées et désinfectées après chaque service ».

VI. MIEUX ENCADRER L’UTILISATION DES DÉSINFECTANTS

Jusqu’à présent, l’absence d’alternative claire aux désinfectants fait que l’immense majorité des acteurs fait le choix de la désinfection là où la conduite d’un nettoyage régulier avec des détergents associé à l’application stricte des gestes barrières suffirait. Le Covid-19 risquant de rester pour longtemps sur le devant de la scène, une explicitation des recommandations en matière d’entretien des locaux et une campagne de communication auprès des responsables d’établissements et du grand public seraient donc les bienvenues afin de mettre en lumière ces alternatives.

L’ARS PACA, qui accompagne depuis 2009 une action régionale visant à promouvoir l’usage raisonné des détergents et des désinfectants dans les établissements sanitaires et médico-sociaux, travaille dans ce sens (Carenco, 2017).

Le Docteur Carenco milite également pour un meilleur encadrement de l’utilisation des désinfectants ménagers, via la création d’un certificat obligatoire pour toute personne manipulant de tels produits en usage professionnel (Conférence Eau et Santé 2019). Ce certificat appelé CERTIBIOCIDE existe déjà pour d’autres biocides tels que les produits de protection du bois et les insecticides. Ceci permettrait à la fois d’encadrer l’utilisation de ces substances et les risques associés, mais aussi de réserver les désinfectants à des usages définis : zones à risque infectieux comme les hôpitaux et les maisons de retraite, usines de traitement de l’eau potable, etc.

Des évolutions nécessaires pour éviter que nous ne soyons exposés quotidiennement et durablement à des produits désinfectants, pour certains hautement toxiques. Nécessaires également pour que l’environnement ne soit pas sacrifié sur l’autel de la sécurité sanitaire, alors que c’est justement une dégradation des écosystèmes qui est à l’origine de l’épidémie actuelle.

Vivien Lecomte


Article rédigé par Vivien Lecomte, mis à jour le 27 août 2020, Ecotoxicologie.fr : tous droits réservés

EN SAVOIR PLUS…

Mini-guide Covid-19 « Les bons gestes éco-responsables à adopter », Association Santé Environnement France (ASEF), juin 2020
Protocole national de déconfinement pour assurer la santé et la sécurité des salariés, Ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion, 3 août 2020

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3 commentaires

  • Philippe Carenco

    Bonjour
    félicitations pour cet excellent article documenté avec les références scientifiques en liens.
    Je vais dévorer les autres thèmes de votre site.

  • Chambon Nicole

    Très intéressant et instructif ce sujet traité avec compétence. Désormais, je vais remiser mes bouteilles de vinaigre blanc et eau de javel et donner l’exclusivité en particulier au savon et produits recommandés.

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