Réduire mon empreinte numérique

Comment réduire mon empreinte carbone numérique

Les émissions de gaz à effet de serre du secteur numérique ont doublé entre 2010 et 2020. Celui-ci est aujourd’hui responsable de 4 % des émissions mondiales, soit davantage que l’aviation civile, régulièrement (et justement) pointée du doigt (Theshiftproject.org, 2019). Il ne s’agit pas de se passer d’internet bien sûr… mais nous pouvons, chacun à notre niveau, œuvrer pour réduire notre empreinte carbone numérique en modulant certains usages particulièrement énergivores, comme le streaming vidéo et l’internet mobile.

I. UNE POLLUTION INVISIBLE MAIS BIEN RÉELLE

Les usages numériques sont à l’origine de 4 % des émissions de gaz à effet de serre et de 10 % de la consommation électrique mondiale, cette dernière étant répartie entre la production d’équipements (45 %) et leur utilisation (55 %) (Theshiftproject.org, 2019).

L’impact environnemental de la fabrication des smartphones, ordinateurs, télévisions et autres tablettes est bien connu, tout comme la consommation d’énergie de ces équipements. Ce qui l’est moins, c’est la consommation d’énergie des « data centers » (centres de données) et des « réseaux », liée à nos usages d’internet.

Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que n’importe quelle action réalisée sur internet mobilise une infrastructure large et énergivore. C’est le cas par exemple lorsque vous prenez une photographie de votre adorable chat (ou chien, ou poisson rouge…) et que vous l’envoyez à vos amis via WhatsApp : pour parvenir jusqu’aux téléphones de vos proches, le fichier numérique qui transporte la photo du charmant matou traverse des milliers de kilomètres, via des câbles souterrains et sous-marins qui sont sous tension électrique. Selon l’ADEME, une donnée numérique parcourt ainsi en moyenne 15 000 km.

Si vos proches utilisent l’internet mobile (4G, 5G), le fichier transitera également par une antenne relais. Enfin, si vous choisissez de conserver cette photo dans le « cloud » (ex : Google Drive, Drop box, etc.), ce fichier se retrouvera stocké dans un centre de données branché et climatisé 24 heures sur 24 (Alternatives Économiques, 2020).

Empreinte carbone numérique des data centers
Les centres de données (data centers) représentent 19 % de la consommation d’énergie du secteur numérique – Source de la photo : Akela999 de Pixabay

II. LES VIDÉOS SONT LES PRINCIPALES RESPONSABLES

Mais les différents usages numériques ont des impacts environnementaux très variables. Ainsi, 10 h de film haute définition génère davantage de données (et donc davantage de gaz à effet de serre) que l’intégralité des textes des articles en anglais de Wikipédia ! (Theshiftproject.org, 2019).

Or, pour capter l’attention des utilisateurs, les géants du numérique « mettent le paquet » sur la vidéo et nous incitent à en regarder plusieurs de suite, notamment via le lancement automatique : vous pensiez regarder un épisode d’une série… et vous vous retrouvez à en regarder 3. Résultat, le visionnage de vidéos en ligne fait l’objet d’un usage intensif : il représente 80 % du trafic internet annuel et a généré en 2018, 306 millions de tonnes de CO2, soit autant que l’Espagne !

Empreinte carbone numérique usages
Source des données : The Shift Project, 2019

III. LA NÉCESSITÉ D’UNE SOBRIÉTÉ NUMÉRIQUE

La transition numérique telle qu’elle est actuellement mise en œuvre participe au réchauffement climatique plus qu’elle n’aide à le prévenir. Et cela ne devrait pas aller en s’arrangeant : le trafic de données augmentant actuellement de plus de 25 % par an, la part du numérique dans les émissions de gaz à effet de serre mondiales pourrait atteindre 8 % en 2025 (Theshiftproject.org, 2019), soit autant que la pollution générée par l’ensemble des voitures.

Selon l’association The Shift Project, qui œuvre en faveur d’une économie libérée de la contrainte carbone, il est possible d’éviter cette croissance démesurée en adoptant « la sobriété numérique » comme principe d’action. Cette dernière consiste à arbitrer nos usages du numérique et à décider lesquels sont les plus essentiels et en quelle quantité.

Selon The Shift Projet, « il ne s’agit pas, du point de vue du climat, d’être « pour » ou « contre » Netflix, Youtube, la pornographie, la télémédecine, ou les mails : il s’agit d’éviter qu’un usage jugé précieux ne pâtisse de la surconsommation d’un autre jugé moins essentiel. Ce sont des choix sociétaux, à arbitrer collectivement pour éviter que des contraintes ne s’imposent à nos usages contre notre gré et à nos dépends : au 21ème siècle, ne pas choisir n’est plus une option viable !« .

Un « baromètre vert » pour évaluer la pollution des fournisseurs mobile (D’après Francesoir.fr)

Pour responsabiliser les utilisateurs de téléphones mobiles, les opérateurs et les constructeurs, le gouvernement va obliger (à partir du 1er janvier 2022) les opérateurs à indiquer aux abonnés les quantités de gaz à effet de serre liées à la consommation de données et à l’utilisation des smartphones. L’objectif est de sensibiliser les abonnés quant aux conséquences de leurs usages numériques tout en poussant les fournisseurs à améliorer leur bilan énergétique. 

IV. CINQ ACTIONS POUR RÉDUIRE MON EMPREINTE CARBONE NUMÉRIQUE

Évidemment, il ne s’agit pas de se passer d’Internet ! Mais ne croyons pas non plus qu’en vidant notre boîte mail, nous aurons fait notre part…

La sobriété numérique est un état d’esprit qui doit s’appliquer à l’ensemble de nos usages en lien avec internet, et dont les trois principes sont : (1) acheter les équipements les moins puissants possibles (par rapport à nos usages), (2) les changer le moins souvent possible et (3) réduire les usages énergivores superflus (Theshiftproject.org, 2018).

Un outil pour connaitre notre empreinte carbone numérique

Carbonalyser, extension du navigateur Firefox permet de visualiser la consommation électrique et les émissions de gaz à effet de serre associées à notre navigation internet (outil développé en lien avec The shift project).

ACTION 1 – Je suis sobre dans ma consommation de vidéos en ligne

Nous l’avons vu, la « surconsommation numérique » est principalement causée par le visionnage de vidéos en ligne. Être sobre, c’est diminuer l’usage et le poids des vidéos, ce qui réduira le trafic de données et les émissions de CO2 associées.

Voici quelques pistes pour y parvenir :

Actions pour réduire l'empreinte carbone des vidéos
Propositions d’actions pour réduire l’empreinte carbone liée au visionnage de vidéos en ligne – Source des sonnées : 1 : Greenit.fr, 2020 ; 2 : Alternatives Économiques, 2020 ; 3 : Extension Firefox Minimal ; 4 : Guide The Shift Project – © Ecotoxicologie.fr – Licence : tous droits réservés

ACTION 2 – Je privilégie l’internet fixe à l’internet mobile

Depuis le déploiement de la 3G et encore davantage depuis celui de la 4G, l’internet mobile permet de surfer sur internet à très haut débit, et notamment de regarder des vidéos avec des définitions très élevées. Ainsi, l’internet mobile représente une part de plus en plus importante du trafic des données, aux dépens de l’internet fixe (= ADSL ou fibre, avec câble Ethernet ou bien en Wifi).

Or, le réseau mobile est bien plus consommateur en énergie que le fixe puisqu’il faut, depuis une antenne relais, émettre un signal suffisamment fort pour passer à travers des murs épais, au lieu de simplement transmettre ce signal via des câbles jusqu’à une box internet. Ainsi, comparé à la fibre optique, le réseau mobile consomme environ 10 fois plus d’énergie pour une même quantité de données transportée (Alternatives Économiques, 2020).

La 5 G va accélérer la bascule de l’internet fixe vers l’internet mobile (D’après Lemonde.fr, 2020)

Le réseau mobile de cinquième génération (5G) en cours de déploiement en France est le résultat d’une innovation technologique qui promet un débit multiplié par 10 et un temps de transmission divisé d’autant. La 5G est conçue pour être moins énergivore que la 4G pour une même quantité de données transmises… mais en « poussant » les utilisateurs à développer leurs usages de l’internet mobile (streaming vidéo notamment), elle devrait conduire à une forte augmentation du trafic de données, et donc à une augmentation importante de la consommation énergétique globale du secteur.

ACTION 3 – Je limite mon usage du « cloud »

Le « cloud » (espace de stockage de données en ligne) implique des allers-retours incessants des données entre l’ordinateur et les « data centers » (centres de données) et consomme donc beaucoup d’énergie (Greenit.fr, 2020).

A chaque fois que c’est possible, il vaut donc mieux utiliser l’espace de stockage de son ordinateur, d’une clé USB ou de son smartphone, et en tout état de cause éviter l’usage du cloud en internet mobile, car la consommation d’énergie est décuplée.

ACTION 4 – Je garde mes appareils numériques le plus longtemps possible

Les français changent en moyenne de smartphone tous les deux ans alors que dans 88 % des cas il fonctionne encore. Bien entretenu, un téléphone peut durer au moins 5 ans et un ordinateur au moins 10 ans (Alternatives Économiques, 2020). En cas de dysfonctionnement d’un appareil, il faut privilégier la réparation, ou à défaut, l’achat en reconditionné ou seconde main.

Pour la réparation : rendez-vous dans la boutique au coin de la rue, dans un Repair Café ou sur www.commentreparer.com ou www.ifixit.com

Lire aussi | Réduire l’empreinte carbone de mes biens de consommation

ACTION 5 – J’éteins ma box la nuit

Lorsque vous allez vous coucher, ou lorsque vous quittez votre logement, vous éteignez les lumières… mais qu’en est-il de votre box ? Selon une étude de Greenit, une box ADLS/fibre consomme en moyenne 158 kWh d’électricité par an, soit autant qu’un petit réfrigérateur ! (Greenit.fr, 2020)

On constate bien souvent que la consommation d’une box diminue peu lorsqu’elle est en veille ou éteinte mais toujours branchée. Si l’on veut vraiment réduire sa consommation, il faut donc la mettre hors tension. Le plus simple est de brancher sa box sur une multiprise munie d’un interrupteur « On/Off » que l’on éteindra lorsqu’on ne l’utilise pas.

Vivien Lecomte


Article rédigé par Vivien Lecomte, 26 mai 2021 – Ecotoxicologie.fr : tous droits réservés

EN SAVOIR PLUS

Climat : l’insoutenable usage de la vidéo en ligne – The Shift Project, 2019
Pollution : la face cachée du numérique – Alternatives Economiques, n°393, septembre 2019
Pollution numérique : du clic au déclic – Infographie de « Qu’est-ce qu’on fait », 2020

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