Notions essentielles de l’écotoxicologie
En 1977, Ramade donnait la définition suivante de l’écotoxicologie : » c’est l’étude des modalités de contamination de l’environnement par les agents polluants naturels ou artificiels produits par l’activité humaine ainsi que de leurs mécanismes d’action et effets sur les êtres vivants qui peuplent la biosphère ».
Dans cette définition sont présentes les notions de base de l’écotoxicologie, détaillées ci-après.
I. LES POLLUANTS
1. Qu’est-ce qu’un polluant ?
Un polluant est une substance naturelle ou artificielle que l’homme a introduite dans un milieu où elle était absente ou présente en quantité différente.
1.1 Exemple d’une » substance polluante d’origine naturelle » : le sel
Dans de nombreux pays tels que l’Espagne, des pays du Moyen Orient et même l’Angleterre, des usines de dessalement fonctionnent afin de transformer l’eau de mer en eau douce pour être consommée. Par exemple, l’usine El Atabali, située dans la région de Malaga en Espagne, produit 165 000 m3 d’eau douce par jour.
Cependant, l’un des inconvénients majeurs de cette technique par ailleurs très gourmande en énergie, est le rejet, en mer ou dans le sol, de saumures (eau très salée) concentrées au double de la salinité naturelle. La salinité de l’eau de mer se situe entre 37 et 38 grammes par litre (g/L), alors que la salinité des saumures peut atteindre les 70 g/L (Sanchez-Lizaso, 2008). Le sel est présent à l’état naturel dans l’eau de mer. Cependant, on peut considérer qu’il s’agit d’une pollution puisqu’il se retrouvera en plus grande quantité qu’à l’état naturel.
Il a ainsi été démontré qu’une augmentation de la salinité des eaux a des conséquences néfastes sur la plante à fleurs aquatique posidonie, dès 38,4 g/L (Sanchez-Lizaso, 2008). Or, ces herbiers constituent un écosystème de premier plan en Méditerranée et exercent une fonction protectrice des littoraux contre l’érosion marine. Ils sont le refuge d’un grand nombre d’espèces animales (mollusques, poissons, crustacés, etc.).
Lire aussi | Quels sont les impacts du dessalement de l’eau de mer ?
1.2 Exemples de « substances polluantes artificielles » (dites d’origine anthropique) :
Ce sont des substances créées et introduites dans l’environnement par l’activité humaine. Les exemples sont innombrables :
- les pesticides : appliqués sur les cultures, on les retrouve notamment dans les sols et les rivières (ex : le glyphosate, le chlordécone, le DDT, etc.)
- les PCB (Polychlorobiphényles) : massivement utilisés des années 1930 aux années 1970 comme lubrifiants pour la fabrication des transformateurs électriques, condensateurs, ou comme isolateurs dans des environnements à très haute tension, ces composés se sont accumulés dans les sédiments de cours d’eau et sont notamment à l’origine de l’interdiction de la consommation de poissons pêchés dans le Rhône.
- Les CFC (Chlorofluorocarbones) anciennement utilisés dans les système de réfrigération sont responsables de la destruction de la couche d’ozone (comme illustré ci-contre)
- Les retardateurs de flamme (ex : PBDE), additifs utilisés pour minimiser les risques d’incendie des tissus, platiques, etc.. De nombreux retardateurs de flamme sont suspectés avoir des effets délétères pour la santé et l’environnement.
Lire aussi | Les classes de polluants
2. Que désigne le terme « Micropolluant » ?
Un micropolluant se définit comme une substance détectable dans l’environnement à très faible concentration (microgramme par litre voire nanogramme par litre). Sa présence est, au moins en partie, due à l’activité humaine (procédés industriels, pratiques agricoles ou activités quotidiennes) et peut à ces très faibles concentrations engendrer des effets négatifs sur les organismes vivants en raison de sa toxicité, de sa persistance (= non biodégradable) et/ou de sa bioaccumulation (= accumulation dans les tissus de l’organisme).
Quelques repères :
1 microgramme est 1 000 000 fois plus léger qu’1 gramme
1 nanogramme est 1 000 fois plus léger qu’1 microgramme-1 morceau de sucre dans un bassin olympique = 1 µg/L
1 petit grain de sable = 3 µg
1 grain de sel dans un bassin olympique = 1 ng/L
De nombreuses molécules présentant des propriétés chimiques différentes sont concernées, telles que les plastifiants, détergents, métaux, hydrocarbures, pesticides, cosmétiques ou encore les médicaments (Plan Micropolluants 2016-2021).
II. COMMENT UN POLLUANT CONTAMINE-T-IL L’ENVIRONNEMENT ?
1. Exemple d’un polluant directement introduit dans l’environnement : un pesticide
Un polluant peut se disperser très rapidement dans les différents compartiments (air, eau et sol) de l’environnement. Si on s’intéresse aux pesticides par exemple, bien qu’ils soient appliqués sur une culture, on les retrouve également dans les sols, dans les rivières et dans l’air.
Sur ce schéma, on voit que le pesticide se disperse:
- dans le sol
- dans les nappes phréatiques, par infiltration
- dans l’air, par volatilisation, où il peut être dégradé (on parle de photo-décomposition) et/ou redéposé à un autre endroit
- dans les eaux de surface (rivière, lac, etc.) par ruissellement
Dans ce dernier cas, le polluant se répartit selon ses propriétés et selon les conditions du milieu. Par exemple, un produit faiblement soluble dans l’eau a tendance à s’accumuler dans les sédiments (ex : les PCB) ou encore à flotter en surface (nappe d’hydrocarbures). A l’inverse, un polluant soluble sera plutôt réparti dans la colonne d’eau de la rivière (par exemple le dioxyde de soufre SO2).
2. Exemple d’un polluant introduit indirectement dans l’environnement : un résidu de médicament
Tous les polluants ne sont pas volontairement et directement introduits dans les milieux naturels comme le sont les pesticides. .
Par exemple, concernant les médicaments, leur consommation par la population représente la principale source de rejet. Après administration, le médicament est absorbé, métabolisé (= transformé par le corps), excrété, puis rejeté dans les eaux usées. Le résidu gagne ensuite les stations d’épuration urbaines qui n’en dégradent qu’une partie. Le traitement de ces stations est en effet inégalement efficace pour éliminer ces composés.
Finalement, une fraction variable du médicament est rejetée dans les effluents de stations d’épuration qui sont alors dilués dans les eaux de surface.
III. LE DEVENIR DES POLLUANTS DANS L’ENVIRONNEMENT
Que devient le polluant une fois introduit dans le milieu naturel ?
Pour le savoir il faut s’attarder sur plusieurs notions fondamentales en écotoxicologie, qui dépendent à la fois des propriétés de la substance polluante et du milieu dans lequel elle a été introduite.
1. Biodisponible VS non biodisponible
La biodisponibilité d’une substance chimique désigne sa capacité à interagir avec les organismes vivants. Cette notion est très importante dans l’évaluation du risque écotoxicologique dont la pertinence repose notamment sur l’aptitude à prédire quelle sera la fraction contaminante des micropolluants susceptible d’exercer une action toxique sur les organismes.
En effet, en particulier dans le milieu aquatique, les mécanismes physiques (transport, diffusion, fixation sur des particules), chimiques (dégradation, liaisons avec d’autres molécules) et biologiques (biodégradation bactérienne, accumulation, digestion, transformation) interagissent et transforment les contaminants qui deviennent plus ou moins accessibles et plus ou moins dangereux (Gourlay-Francé, 2010).
Ainsi, dans le cas d’une contamination d’un sol par les métaux lourds :
- si ces derniers sont essentiellement absorbés (=collés) à la surface des particules, ils sont alors faiblement biodisponibles pour la faune du sol, comme les vers de terre ;
- en revanche, si ces mêmes polluants sont dissous dans l’eau présente entre les particules du sol, alors ils sont biodisponibles et potentiellement dangereux pour ces mêmes vers de terre.
A noter que la biodisponibilité dépend à la fois du polluant, de son devenir dans l’environnement mais aussi de la physiologie de l’organisme exposé. En clair, la biodisponibilité d’un polluant ne sera pas la même pour une plante, pour un poisson, ou pour une moule, car ces trois organismes ne vivent pas au même endroit et ne se nourrissent pas des mêmes éléments.
La mesure de la contamination par des méthodes classiques d’analyse chimique ne permet pas d’évaluer la biodisponibilité des micropolluants. Depuis les années 1980, différents systèmes d’échantillonnage intégratif (ou « échantillonnage passif ») ont été développés pour la mesure des contaminants chimiques dans l’eau dans le but d’améliorer la pertinence de la mesure en termes de risque écotoxicologique : immergés quelques jours à plusieurs semaines, ces systèmes extraient et concentrent les contaminants présents (Gourlay-Francé, 2010).
2. Persistant VS biodégradable
La biodégradabilité est la capacité d’un polluant à être dégradé biologiquement c’est-à-dire par l’action d’organismes biologiques.
La biodégradabilité est très variable selon les conditions du milieu (température, humidité, pH, etc.) et selon la nature du composé. Prenons trois exemples (U-Picardie.fr, 2002) :
- les PCB (Polychlorobiphényles) qui ont pollué de nombreux cours d’eau français tels que le Rhône ou la Moselle sont très persistants (= faiblement biodégradables). En clair, cela signifie que l’activité biologique (notamment les mircoorganismes) ainsi que la décomposition chimique ne dégradent que très lentement le composé. Les temps de demi-vie (temps pour lequel la moitié du composé est dégradé) des différentes sortes de PCB sont ainsi compris entre 94 jours et 2 700 ans.
- le toluène, un hydocarbure utilisé dans l’industrie chimique, présente un temps de demi-vie dans le sol de seulement 0,5 à 1 jour : il est donc très rapidement biodégradé.
- le benzène présente un temps de demi-vie de 5 à 16 jours dans le sol (il est rapidement biodégradé) mais de 10 jours à 10 ans dans une nappe d’eau souterraine (il est persistant).
3. Stable VS transformé
S’il n’est pas biodégradé rapidement, le polluant peut :
- rester sous sa forme initiale : il est stable ;
- ou bien se transformer en un autre composé appelé métabolite ou « produit de dégradation ».
En effet, une fois absorbé par un organisme vivant (poisson, mollusque, vers de terre, etc.), le polluant peut subir des transformations biologiques appelées biotransformations. Ces biotransformations ont pour but de détoxifier les polluants en fabriquant un métabolite moins toxique. Cependant, il peut arriver que ces biotransformations provoquent l’apparition de métabolites plus toxiques que le composé initial (ex : le HAP).
Des transformations peuvent également avoir lieu directement dans le milieu (eau, air, sol, sédiment, etc.) sous l’effet des conditions physico-chimiques (température, lumière, présence d’autres composés…) et de l’activité microbienne. De même que dans les organismes vivants, le nouveau composé formé peut être plus ou moins toxique que le composé initial. Par exemple, le pesticide DDT peut se transformer en DDE sous l’effet de l’activité microbienne ; or le DDE est un composé encore plus toxique que le DDT, comme illustré ci-dessous.
4. Le transfert des contaminants dans les organismes vivants
Lorsqu’on s’intéresse au transfert des contaminants dans les organismes, trois notions de l’écotoxicologie apparaissent comme fondamentales : la bioconcentration, la bioaccumulation et la bioamplification (Orias, 2015).
4.1 La bioconcentration
Phénomène par lequel un organisme va concentrer une substance en concentration supérieure à celle du milieu, uniquement via la respiration et la diffusion cutanée (=passage à travers la peau). Ce milieu peut être l’eau ou le sédiment pour les organismes aquatiques (voir schéma ci-après) ou le sol et/ou l’air pour les organismes terrestres.
Ce processus est le résultat du rapport entre la vitesse de pénétration de la substance dans l’organisme (via la respiration et la diffusion cutanée) et la vitesse d’élimination (via échanges respiratoires, métabolisme et dilution par la croissance) : c’est le facteur de bioconcentration (BCF) (Orias, 2015).
Réalisons le calcul d’un facteur de bioconcentration à partir de l’exemple ci-dessus :
BCF = (Concentration du polluant dans le poisson) / (Concentration du polluant dans l’eau)
BCF = 0,08 ppm / 0,00002 ppm = 4 000
4.2 La bioaccumulation
Phénomène par lequel un organisme va concentrer une substance en concentration supérieure à celle du milieu via toutes les voies d’exposition y compris l’alimentation. Ce processus est le résultat du rapport entre la vitesse de pénétration de la substance dans l’organisme (via respiration, diffusion cutanée ET alimentation) et la vitesse d’élimination (via les échanges respiratoires, le métabolisme et la dilution par la croissance) : c’est le facteur de bioaccumulation (BAF) (Orias, 2015).
Réalisons le calcul d’un facteur de bioaccumulation à partir de l’exemple ci-dessus :
BAF poisson = (Concentration du polluant dans le poisson) / (Concentration du polluant dans l’eau)
BAF poisson = 4,83 ppm / 0,00002 ppm = 241 500
Ce phénomène de bioaccumulation est extrêmement important car si un polluant s’accumule dans un organisme, alors sa concentration augmente au fil de la vie, augmentant ainsi le risque d’effets toxiques.
Quelles sont les substances bioaccumulables ?
Ce sont notamment les substances lipophiles, c’est à dire les substances qui » aiment » les graisses, au point de s’y accumuler. Ce caractère « lipophile » est déterminé par un paramètre que l’on nomme « coefficient de partage octanol/eau » : c’est le Kow (o pour octanol et w pour water). Pour évaluer si une substance est lipophile ou non, on s’intéresse plus particulièrement au logarithme du Kow. Plus le log Kow de la substance étudiée est grand, plus cette substance est lipophile. C’est le cas par exemple du Bisphénol A, de l’Octylphénol et du Nonylphénol, 3 produits industriels qui sont susceptibles d’avoir des effets sur la reproduction des animaux.
Une substance non bioccumulable est-elle pour autant sans danger pour les écosystèmes ?
Non ! Ce n’est pas parce qu’un polluant ne se bioaccumule pas qu’il n’est pas dangereux. Par exemple, les HAP (Hydrocarbures Arômatiques Polycycliques) ne se bioaccumulent que très peu et sont très vite éliminés par l’organisme ; ils induisent cependant des effets toxiques importants : on dit qu' » ils frappent et s’en vont « .
4.3 La bioamplification (ou biomagnification)
Phénomène par lequel un contaminant se retrouve en concentration plus importante dans un organisme que dans son alimentation. Ainsi, dans une chaîne alimentaire, un contaminant qui est bioamplifié se retrouve en concentration toujours plus élevée chez l’organisme du maillon n+1 que chez l’organisme du maillon n (Orias, 2015). On peut ainsi calculer un facteur de bioamplification entre deux maillons de la chaine alimentaire.
Réalisons des calculs de facteurs de bioaccumulation (BAF) et de bioamplification à partir de l’exemple ci-dessus :
BAF gammare = (Concentration du polluant dans le gammare) / (Concentration du polluant dans l’eau)
BAF gammare = 1,12 ppm / 0,00002 ppm = 56 000
BAF poisson = 4,83 ppm / 0,00002 ppm = 241 500
BAF homme = 124 ppm / 0,00002 ppm = 6 200 000
Facteur de bioamplification gammare-poisson = (Concentration polluant dans le poisson) / (Concentration polluant dans le gammare) = 4,83 ppm / 1,12 ppm = 4,3
Facteur de bioamplification poisson-homme = 124 ppm / 4,83 ppm = 25,7
A partir de cet exemple, on comprend aisément comment une substance retrouvée à l’état de trace dans les rivières peut être présente en concentration beaucoup plus élevée chez les grands prédateurs tels que les grands mammifères, certains oiseaux et l’Homme, qui se trouvent au sommet de la chaine alimentaire.
Remarque : il est possible qu’un contaminant puisse être bioconcentré ou bioaccumulé à l’échelle de l’organisme sans qu’il soit nécessairement bioamplifié le long des chaînes alimentaires (Orias, 2015).
IV. LES EFFETS DES POLLUANTS SUR LES ÊTRES VIVANTS
Comme nous l’avons vu précédemment, si un polluant se trouve dans le milieu naturel et qu’il est biodisponible, c’est à dire assimilable par les organismes, il est susceptible d’induire des effets sur les êtres vivants… s’il est toxique à la dose à laquelle il est présent : « rien n’est poison, tout est poison, seule la dose fait le poison ».
1. Toxicité aiguë VS toxicité chronique
La toxicité est la propriété intrinsèque d’une substance susceptible de provoquer des effets biologiques néfastes à un organisme vivant qui y est exposé. En toxicologie et en écotoxicologie, on distingue deux types de toxicité (INERIS.fr, 2019) :
- la toxicité aiguë (court terme) correspond aux effets néfastes qui se manifestent après une exposition unique (ou sur quelques heures/quelques jours) à une forte concentration de substance ;
- la toxicité chronique (long terme) désigne les effets néfastes qui se manifestent après une exposition répétée, sur une longue durée, à une faible concentration de substance.
2. Quelques exemples d’effets
Les effets des polluants peuvent être très divers. En voici quelques exemples :
2.1 Altération de la capacité de reproduction des animaux et végétaux
exemple 1 : le pesticide DDT est à l’origine d’un amincissement de la coquille des œufs de grèbes (une espèce d’oiseaux) qui diminue le succès de la reproduction avec une mortalité accrue des petits (Hickey, 1968 ; Ratcliffe, 1970 ; Peakall, 1970).
exemple 2 : les métaux lourds (cadmium, zinc, plomb, etc.) peuvent altérer la germination des graines de certains végétaux.
2.2 Affectation de la croissance et de la santé d’un organisme
exemple : l’ozone est un gaz très phytotoxique par ses effets directs fortement oxydants sur les différents processus physiologiques de la plante (photosynthèse, respiration, etc…). C’est le polluant le plus préoccupant actuellement au niveau de la végétation et des écosystèmes car il entraine des pertes de rendement qui peuvent être de 5 à 10 %, et l’apparition de nécroses foliaires maintenant visibles dans les milieux naturels (Garrec, 2019).
2.3 Modification du comportement d’individus
exemple : une étude suédoise a mis en évidence que les résidus d’antidépresseurs présents dans l’eau des rivières altéraient le comportement des perches communes. Les poissons présentaient une moindre sociabilité vis à vis des congénères, une plus grande activité ou encore un appétit plus important. Au delà des effets sur la population de perches, le risque identifié est une perturbation de l’équilibre de l’écosystème dans son ensemble.
2.4 Augmentation de la mortalité
exemple : une marée noire entraîne la mort de nombreux oiseaux et organismes aquatiques. Lors du naufrage du pétrolier Amoco Cadiz en 1978 en Bretagne, 20 000 oiseaux et poissons ont été retrouvés morts ou mazoutés.
2.5 Déséquilibre d’une population
exemple : de nombreuses études ont mis en évidence un changement de sexe des poissons mâles (un phénomène qui se produit naturellement chez de nombreuses espèces de poissons) dû à la présence, dans l’eau, d’un cocktail de polluants se comportant comme des hormones sexuelles (certains pesticides, peintures antifouling pour les coques de bateaux, pilule contraceptive, etc.)
2.6 Modification des conditions du milieu
exemple 1 : l’acidification des cours d’eau provoquée par le SO2 et les NOX émis par la combustion des énergies fossiles, qui entraîne une perte de la biodiversité.
exemple 2 : le réchauffement climatique induit par les émissions de gaz à effet de serre (dioxyde de carbone, méthane, etc.), comme expliqué dans la vidéo « Le Monde » ci-dessous.
3. En résumé
Voici un petit schéma animé, scientifiquement « contestable » (car très simplifié), qui vous permettra cependant de repositionner les notions abordées dans le cadre de l’évaluation du risque lié à un polluant.
V. COMMENT PEUT-ON MESURER CES EFFETS ?
Évaluer les effets des polluants sur les êtres vivants et les écosystèmes n’est pas aisé, et doit nécessairement associer des approches complémentaires regroupées au sein d’une « boîte à outils », dans laquelle l’écotoxicologie a toute sa place.
1. Intérêts et limites des analyses chimiques
Une analyse chimique permet de révéler la présence d’un ou plusieurs composé(s) dans un échantillon et, le plus souvent, d’en mesurer la concentration (ex : 0,2 µg/L d’un pesticide dans un échantillon d’eau de rivière). Les progrès réalisés au cours des dernières décennies permettent désormais de détecter et de quantifier des substances chimiques présentes à l’état de traces (µg/L, ng/L, voire inférieur), qui étaient auparavant “invisibles” en raison de limites de détection trop élevées.
En revanche, une analyse physico-chimique ne permet pas :
- de savoir si les polluants analysés sont biodisponibles : c’est-à-dire assimilables par les organismes ;
- de connaitre la toxicité de ces polluants vis à vis des organismes ;
- d’évaluer les interactions entre les différents polluants (effets additifs, synergiques ou antagonistes).
De plus, il est délicat de définir quels polluants doivent être analysés. Malgré les progrès de la chimie, il n’existe en effet à ce jour aucune méthode permettant de détecter et d’identifier l’ensemble des substances contenues dans un échantillon en une seule analyse. Une surveillance de la qualité des milieux via des analyses chimiques implique donc de faire des choix.
2. La biosurveillance : utiliser le vivant pour évaluer l’état d’un milieu naturel
Intéressons-nous à la problématique spécifique de l’évaluation de l’état d’un milieu. Nous avons vu que les analyses chimiques étaient utiles mais insuffisantes pour évaluer le risque environnemental lié aux polluants. Pour mesurer les effets de substances sur des organismes vivants, il est donc nécessaire d’utiliser… le vivant.
Cette approche, qui a émergé à partir des années 1980 est appelée biosurveillance. Elle désigne l’ensemble des outils basés sur “l’utilisation du vivant (organisme ou ensemble d’organismes à tous les niveaux d’organisation biologique moléculaire, biochimique, cellulaire, physiologique, tissulaire, morphologique et écologique) pour surveiller l’évolution des modifications et des altérations, ou la stabilité de la qualité d’un milieu” (PIREN-Seine, 2011).
La biosurveillance peut s’appliquer à différentes échelles, comme illustré dans le schéma ci-après.
Zoom sur les biomarqueurs
Tout organisme exposé à une pollution chimique met en œuvre une diversité de réponses moléculaires et cellulaires qui lui permettent de faire face à l’agression par les polluants (INERIS, 2008). L’approche par biomarqueurs consiste à étudier ces réponses biologiques sur des organismes de laboratoire, des organismes autochtones ou des organismes encagés dans le milieu naturel, afin d’établir le diagnostic d’une pollution. A l’inverse des bioindicateurs (domaine de l’écologie), les biomarqueurs (domaine de l’écotoxicologie) sont donc spécifiquement conçus pour évaluer le risque lié à des polluants toxiques.
L’activité enzymatique EROD est, chez certains poissons notamment, un bon exemple de biomarqueur d’exposition aux HAP, PCB et dioxines. Celle-ci se déclenche lors de la biotransformation des contaminants par l’organisme, mise en œuvre pour les « détoxifier ». Une activité EROD élevée peut donc être le signe d’une pénétration de ces polluants dans les poissons.
Lire aussi | Évaluer les effets des polluants sur les êtres vivants et les écosystèmes : les grands principes
3. Laboratoire, terrain et modélisation : trois approches complémentaires en écotoxicologie
On distingue classiquement trois grandes approches en écotoxicologie : les expérimentations de laboratoire, le terrain et la modélisation. Le mésocosme est généralement considéré comme l’intermédiaire entre le laboratoire et le terrain.
3.1 Les bioessais de laboratoire
Les bioessais, également appelés biotests ou tests de toxicité en laboratoire, consistent à exposer un modèle vivant (cellules, organismes ou communautés d’organismes) à une substance (ex. : un pesticide), à un mélange de substances (ex. : plusieurs pesticides) ou à un échantillon environnemental (ex. : eau de rivière, sol, air, effluent industriel, etc.), dans un milieu ( = un récipient comme un aquarium, une microplaque, un pot, etc.), en conditions contrôlées (température, taux d’oxygène, salinité, nourriture, lumière, etc.), pendant une durée déterminée, et à observer un ou plusieurs effet(s) de cette substance sur le modèle vivant étudié tels que la mortalité, la croissance, la reproduction ou les dommages à l’ADN : on parle de « critère(s) d’évaluation » ou « endpoint(s) ».
Comme l’illustre le schéma ci-dessous, le modèle vivant est exposé à différentes concentrations de la substance ou de l’échantillon environnemental étudié. Un témoin négatif (sans substance toxique) est également nécessaire pour valider les résultats du bioessai et établir les valeurs de référence (CSEO, CMEO, CE50) très utiles pour caractériser le niveau de toxicité (danger) d’une substance ou d’un échantillon. Plusieurs réplicats de chacune des concentrations testées sont requis pour garantir la précision et la fiabilité des résultats.
Il existe une multitude de bioessais de laboratoire, dont certains bénéficient de protocoles normalisés comme l’essai d’écotoxicité aigüe Daphnia magna, le test YES (cellules de levure de boulanger génétiquement modifiées) ou encore l’essai d’inhibition de la germination et de la croissance des végétaux.
Lire aussi | Les bioessais de laboratoire : évaluer la toxicité des polluants en conditions contrôlées
3.2 Les mésocosmes
Utilisés depuis les années 1970 en écologie et en écotoxicologie, les mésocosmes sont des systèmes expérimentaux délimités, plus ou moins clos, qui constituent des échelles intermédiaires entre le microcosme de laboratoire et la complexité du monde réel (Onema, 2009b).
Véritables « modèles réduits » de rivière, de plan d’eau ou encore de parcelles agricoles, ces plateformes expérimentales, généralement à l’air libre, permettent d’exposer des organismes vivants appartenant à différents niveaux trophiques dans des conditions environnementales « naturelles ».
3.3 Les approches terrain
Parmi les approches de terrain du domaine de l’écotoxicologie, on distingue classiquement :
- le prélèvement d’organismes autochtones : il consiste à prélever des organismes du milieu sur lesquels sont ensuite réalisées des analyses chimiques et écotoxicologiques (biomarqueurs) ;
- les biossais (ou « expérimentations ») in situ, qui sont basées sur la manipulation d’organismes dans le milieu naturel : encagement (voir illustration ci-dessous), mise en place d’enclos, colonisation/transplantation de substrat, biocapteurs ;
- les bioessais (ou « expérimentations ») ex situ, qui consistent à installer un laboratoire sur site afin de créer des conditions d’expérimentation contrôlées sur le terrain d’étude.
3.4 La modélisation
L’utilisation de modèles mathématiques en écotoxicologie peut notamment permettre :
- de prédire l’effet ou le comportement d’une molécule d’après sa structure chimique, via l’approche QSAR (Quantitative structure-activity relationship) (Aiida, 2014) ;
- de prédire l’effet d’un mélange de molécules sur un organisme, à partir de la connaissance de l’effet de chacune des molécules composant ce mélange ;
- de prédire la toxicité chronique (long terme) de substances chimiques sur un organisme à partir de données sur la toxicité aigüe (court terme) ;
Lire aussi | Évaluer les effets des polluants sur les êtres vivants : les grands principes
VI. LES MÉCANISMES D’ACTION DES POLLUANTS
Enfin, l’écotoxicologie étudie les modes d’action des polluants sur les organismes vivants, modes d’actions qui aboutissent à la toxicité d’une substance. Les comprendre peut permettre de détecter la pollution le plus rapidement possible en mettant au point des biomarqueurs. Comprendre ces modes d’action peut également permettre à terme de lutter contre ces effets toxiques.
Par exemple, un produit qualifié de « perturbateur endocrinien » peut imiter une hormone naturelle telle que l’œstrogène, l’œstradiol ou la testostérone. Pour cela, il se fixe sur un récepteur cellulaire à la place de cette hormone naturelle. Cette fixation constitue son mode d’action et peut être à l’origine d’un effet sur l’organisme, telle qu’une perturbation de la reproduction.
Article rédigé par Vivien Lecomte, mis à jour le 6 septembre 2021 – Ecotoxicologie.fr : tous droits réservés
EN SAVOIR PLUS…
– Sur l’écotoxicologie en général : « L’écotoxicologie en questions » (Isabelle Lamy et al., 2022), le risque écotoxicologique dans le bassin de la Seine (Programme PIREN-Seine – 2011), les bases de l’écotoxicologie (article de Paule Vasseur et al., 2021), les sites des réseaux RECOTOX, ECOTOX et de la SEFA
– Sur quelques notions clés de l’écotoxicologie : la biodisponibilité : Article de C. Gourlay-Francé dans la revue SET (2010) ; la bioconcentration, bioaccumulation et bioamplification : thèse de F. Orias (2015)
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8 commentaires
Ballo Théophile A
Très bon document
Alhadji mahamat
J’ai adoré
Djebbar ramzi
Parfait.👌👌
Pirès Bangoma
Cet article est parfaitement bien détaillé et permet de comprendre plus facilement à cause des exemples plus pratiques adjoints ainsi les illustrations. Il m’a permis à mieux préparer mon control.
Vivien Lecomte
Merci pour votre commentaire, et ravi que cet article vous ait été utile 🙂
Wissam
Vous m’avez sauvé dans ma recherche toute est claire dans cet article
Vivien Lecomte
🙂
zineb naji
excellent document