Microfibres textiles : une pollution invisible dans notre machine à laver
Par LÉA BAUMRUCKER
(N’hésitez pas à commenter cet article et à poser vos questions en bas de page 🙂 )
Chaque lessive rejette des microfibres dans l’environnement.
Un t-shirt, une chaussette, un pantalon de sport, tous libèrent des fibres en passant dans la machine. Ces fragments de textile, souvent invisibles à l’œil nu, se détachent sous l’effet du frottement, de la chaleur et des détergents.
Qu’elles soient synthétiques (polyester, acrylique) ou naturelles (coton), ces microfibres rejoignent les eaux usées, où elles ne sont que partiellement retenues par les stations d’épuration. Une partie finit dans les cours d’eau, les lacs ou les océans, où elles peuvent persister et interagir avec les écosystèmes.
Selon certaines études, plusieurs centaines de milliers de microfibres peuvent être relâchées à chaque cycle de lavage (Napper & Thompson, 2016).
C’est ce phénomène discret mais préoccupant que j’ai voulu explorer dans mon travail de Bachelor, réalisé dans le cadre de mes études en sciences de l’environnement.
Étudier les fibres dans la machine à laver
Mon objectif était de comparer la quantité de fibres relâchées selon le type de textile lors des lavages domestiques, et d’évaluer si certaines méthodes d’analyse pouvaient permettre de les quantifier.
J’ai donc réalisé plusieurs lavages et récupéré l’eau de rinçage qui a servi d’échantillon pour l’analyse. Ces échantillons d’eau ont été filtrés afin de comparer les différentes matières textiles et leurs assemblages. Les filtres obtenus ont ensuite été observés au microscope et des analyses ont été tentées avec un appareil de mesure appelé spectromètre infrarouge à transformée de Fourier (FTIR). Le tout avec les moyens à ma disposition en tant qu’étudiante.
L’analyse s’est révélée plus complexe que prévu. Par exemple, le spectromètre détectait aussi du détergent, des traces de peau humaine ou d’autres résidus, rendant difficile l’identification précise des fibres textiles.
Les résultats obtenus au microscope binoculaire étaient néanmoins parlants. Les textiles synthétiques (comme le polyester ou l’acrylique) relâchent davantage de fibres que le coton, ce qui confirme les observations d’autres études. Néanmoins, même les fibres naturelles ne sont pas totalement inoffensives. Elles sont parfois traitées chimiquement, teintées ou mélangées à des fibres synthétiques, ce qui complique leur dégradation.
J’ai également constaté que la quantité de microfibres libérées dépendait de nombreux facteurs, comme l’état d’usure du vêtement, la nature des fibres (vierges ou recyclées), le type de tissage, ainsi que les conditions de lavage (température, durée, type de détergent…). Cela rend toute généralisation difficile et souligne la complexité de cette pollution diffuse. D’où l’importance de développer des protocoles standardisés pour pouvoir comparer les données entre études et mieux comprendre le phénomène.
Enfin, même si l’analyse au microscope est relativement simple et accessible, elle reste limitée. Elle ne permet pas toujours d’identifier précisément les types de fibres, ni de quantifier les concentrations avec exactitude.
Mais pourquoi est-ce important ?
Parce que ces microfibres ne disparaissent pas une fois rejetées. Elles peuvent s’accumuler dans les milieux aquatiques, être ingérées par des organismes, entrer dans la chaîne alimentaire, et transporter avec elles des substances toxiques (colorants, antibactériens, retardateurs de flamme, etc.).
Et surtout, parce que malgré leur omniprésence, ces polluants ne sont pas encore réglementés de manière spécifique. Comme pour les pesticides ou les microplastiques, cette pollution est discrète mais continue. Chaque machine que l’on lance y contribue.
Ce travail m’a permis de mieux comprendre les enjeux liés aux microfibres textiles, mais aussi les limites méthodologiques actuelles. Il met en lumière la nécessité d’investir dans des outils d’analyse fiables et reproductibles, et de sensibiliser tant les consommateurs que les fabricants.
Et maintenant ?
Cette étude m’a donné envie d’aller plus loin, de tester d’autres approches. Mais aussi de transmettre et de sensibiliser parce qu’avant de changer, il faut comprendre.
Une action aussi banale que faire une lessive a des conséquences insoupçonnées.
Et nous avons déjà des leviers à notre portée :
- Choisir des vêtements en matières durables ou peu traitées
- Réduire la fréquence de lavage et privilégier les cycles doux
- Utiliser des filtres à microfibres ou des dispositifs de rétention (par exemple : sacs Guppyfriend), un équipement qui devrait d’ailleurs devenir obligatoire sur les lave-linges neufs vendus en France dans les prochaines années
- Sensibiliser notre entourage à cette problématique émergente
Parce que chaque fibre compte. Et que comprendre ce phénomène, c’est aussi se donner les moyens de le limiter.

Article posté le 5 septembre 2025 par Léa Baumrucker, étudiante en Bachelor à l’Université de Lausanne, Suisse.
>> Pour en savoir plus :





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