
Anti-puces familial
PAR NATHALIE CHÈVRE
(N’hésitez pas à commenter cet article* et à poser vos questions en bas de page 🙂 )

J’ai toujours eu des chats. J’aime aussi les chiens, mais en ville, c’est plus compliqué car ils ont besoin d’espace.
Lors de notre premier rendez-vous chez le vétérinaire avec notre petite chatte, rentrée du Québec avec nous, celui-ci nous a conseillé de lui appliquer un anti-puces tous les mois. Ayant grandi à la campagne, et ayant toujours vu les chats de ferme se débrouiller sans cela, je n’ai pas donné suite.
Cela a changé avec notre deuxième chatte. Très vite, il s’est avéré qu’elle était allergique aux piqûres de puces. Elle a développé une dermatite et perdait ses poils sur les pattes. Il fallait alors lui faire des piqures d’antibiotiques. Je me suis donc résolue à lui appliquer les pipettes vendues chez les vétérinaires, ce qu’elle détestait pas ailleurs cordialement.
C’est l’arrivée de notre fils qui m’a fait réfléchir un peu plus loin sur ce que je mettais dans notre appartement. En effet, appliqué entre les omoplates, le produit est censé agir sur tout le corps du chat et ceci pendant 1 mois. Or toute personne qui a déjà eu un chat sait que celui-ci se frotte constamment aux meubles et aux coins de portes, voir à nos pieds, pour marquer son territoire. De plus, il ou elle dort souvent sur les lits, dans les armoires ou sur le canapé. Il semble donc assez logique que le produit en question se distribue dans tout l’appartement.
Mais qu’est-ce donc que ce produit miracle contre les puces des chats ? Dans le produit que j’ai acheté, il s’agit d’un insecticide, le fipronil. C’est aussi la même substance préconisée pour les chiens. Bien que neurotoxique, cette substance est surtout active contre les insectes, mais semble moins toxique pour les animaux à sang chaud.
Il reste que c’est un pesticide, qui est aussi utilisé dans l’agriculture, notamment pour la protection des semences. Il a été mis en cause, au côté des néonicotinoïdes, dans la disparition des abeilles.
Le rapport de 2021 de l’OMS sur les résidus de pesticides dans l’alimentation considère que les résidus de fipronil ne posent pas de problèmes pour l’homme et qu’il est peu vraisemblable qu’il soit cancérigène ou génotoxique. En revanche, je n’ai trouvé aucune étude qui évalue le risque si on s’expose via ses animaux domestiques.
Il a cependant fait l’objet d’un scandale sanitaire en Europe en 2017: « les oeufs au fipronil » . En effet, des poules pondeuses avaient été traitées illégalement contre le pou rouge aux Pays-Bas et en Belgique avec du fipronil. Des dizaines de millier d’œufs furent contaminés et ont dû être éliminés. Mais le message des gouvernements, à l’époque, fût plutôt rassurant. Reste que ce produit est passé des plumes de la poule à l’intérieur de l’œuf… ce qui n’est guère rassurant.
Le fipronil n’est pas le seul pesticide utilisé dans les anti-puces. On y trouve aussi de la perméthrine, très toxique pour les insectes et pour les amphibiens. Et même pour les chats comme le rappelle en 2023 l’ANSES.
A part les chiens et les chats, des animaux comme les vaches ou les chevaux peuvent aussi être traités. Le DEET, un répulsif développé pour la guerre du Vietnam, est communément utilisé dans les écuries et les étables. Il repousse les mouches et les taons. On le détecte d’ailleurs dans des concentrations assez élevées dans les cours d’eau suisses. De nouveau, il existe très peu d’études sur sa toxicité et son écotoxicité, ce qui fait que le DEET n’est pas vu comme un problème pour l’instant.
Mais revenons à notre anti-puces. Ayant regardé plus en détail la composition de la pipette en question, je l’ai bannie de notre appartement. Lorsque mon fils était bébé, il passait son temps par terre. Le risque lié à cette exposition continue me semblait déraisonnable. Mais je n’ai aucune étude pour le prouver…
Et notre chatte ? Elle a vécu jusqu’à 17 ans. Après avoir essayé d’autres traitements aux huiles essentielles (peu efficaces dans son cas et peut-être pas tout-à-fait anodins non plus), j’ai testé des méthodes alternatives qui ont marché. Tant mieux.
Reste la question suivante : pourquoi proposer de traiter systématiquement les animaux domestiques avec des anti-puces ? Certes aucune étude n’a montré qu’ils étaient vraiment problématiques, même si des chats et des chiens sont déjà morts après l’application. D’ailleurs en 2016, un article dans Science et Avenir posait la question de la toxicité de ces produits pour les animaux et les enfants.
Ne serait-il donc pas judicieux de garder les anti-puces pour des cas problématiques, par exemple les allergies aux piqûres de puces citées plus haut ? Et de laisser nos animaux se débrouiller dans les autres cas ? Notre exposition aux pesticides en serait certainement allégée.

Article posté le 21 mai 2025 par Nathalie Chèvre, maître d’enseignement et de recherche à l’Université de Lausanne, Suisse.
*Pour ceux qui lisaient mon blog dans le journal suisse Le Temps, j’ai décidé de reprendre certains posts en les mettant à jour. En effet, le journal a supprimé les textes en ligne.


Un commentaire
Yann Tessier
Merci pour cette réflexion Nathalie.
Dans le même registre, ces antipuces/tiques systémiques à base de « laners », des PFAS me semble-t-il… qui pour le coup sont probablement moins toxiques pour l’humain par contact direct, mais d’une autre façon pour l’environnement.
Nous avions décidé d’éviter ces produits pour notre chien. Nous vivons à la campagne et il y a deux semaines, deux tiques gorgées de sang ont échappé à notre vigilance. Nous les avons extraites le plus vite possible (pour éviter l’inoculation de babésia ou autres maladies vesctorielles) mais nous avons pris la décision de refaire avaler à notre chien un comprimé de fluralaner, pour passer la saison des tiques…
Pas facile !