Cabine d'avion

Des insecticides en vol

PAR NATHALIE CHÈVRE
(N’hésitez pas à commenter cet article et à poser vos questions en bas de page 🙂 )

Cette anecdote est arrivée à une amie. Et peut-être l’avez vous vécue vous-même.

Vous vous asseyez dans l’avion, attendant le décollage. Vous observez alors que le personnel de bord passe à côté de vous avec des petites bonbonnes et spray quelque chose dans l’allée, en dessus des têtes.

Lorsque vous vous renseignez, le steward ou l’hôtesse vous dit que ce n’est rien. Rien, vraiment ?

Cabine d'avion
Crédit : JUNO KWON de Pixabay – Licence : CC

Des insecticides pour lutter contre les vecteurs de maladie

Difficile d’obtenir des informations sur ce qui est pulvérisé.

Mais en cherchant sur internet, on trouve des compagnies qui vendent des produits pour les cabines des avions. Il s’agit par exemple de désodorisants, mais également d’insecticides.

Pourquoi des insecticides ? Parce que certains pays asiatiques et l’Australie, notamment, demandent aux compagnies aériennes de vaporiser des insecticides dans les avions qui s’y rendent. Ceci pour éviter le « débarquement » d’hôtes indésirables dans ces régions. Un document de 2023 de l’OMS recommande d’ailleurs aux pays d’évaluer les risques liés au transport par avion d’insectes porteurs de maladies ou invasifs, et de travailler avec les compagnies aériennes pour mettre en place des procédures de désinfection si nécessaire.

En effet, c’est maintenant connu que les moustiques, par exemple, voyagent volontiers en avion. Parfois porteurs de maladies, ils peuvent infecter des personnes très loin de la région endémique. Il existe ainsi un « Paludisme d’aéroport ». En France, en 40 ans, 30 cas ont été déclarés (chiffres 2009, je n’ai pas trouvé de chiffres plus récents).

Donc les avions sont désinfectés, de même que les passagers.

Mais que contiennent ces sprays ?

Difficile d’accéder aux fiches techniques qui détaillent les substances que ces produits contiennent. J’ai donc demandé à une connaissance de me ramener une bouteille d’insecticide pour avion. La substance déclarée à 2 % est la D-trans-Phénothrine, un insecticide de la famille des pyréthrinoïdes. Insecticides de deuxième génération, ils sont moins toxiques pour l’humain que les organophosphorés (chlorpyriphos-éthyl, diazinon, par exemple) car plus sélectifs. Il semble que la perméthrine soit aussi utilisée.

Mais ils restent très efficaces. Suivant la publicité, la mortalité [des moustiques] est totale en 3 minutes !

Notons que ces insecticides sont aussi utilisés contre les poux ou dans les produits antiparasitaires pour les animaux.

Des risques pour la santé humaine ?

Pas de risques donc pour notre santé en prenant l’avion ?

C’est difficile à dire. Certainement qu’une exposition occasionnelle n’est pas trop grave. Mais la question peut se poser pour les personnes qui prennent régulièrement l’avion et surtout pour le personnel naviguant.

Ainsi SAgE pesticides, du gouvernement canadien, considère que les effets aigus de la perméthrine sont modérés, mais que les effets à long-terme, résultant d’une exposition chronique, sont extrêmement élevés. En laboratoire, sur des souris et des rats, des signes cliniques comme « surexitabilité, tremblements, effets sur le poids corporel et celui du foie » ont été observés.

Sachant que ces insecticides sont neurotoxiques, des effets à long terme sur le système nerveux, en cas d’exposition prolongée, pourraient donc être observés chez l’homme.

Je n’ai pas trouvé d’évaluation des effets à long-terme de la D-trans-phénotrine sur l’humain. Il y a en effet moins de données sur cette substance car elle n’est pas enregistrée comme pesticide, mais les mêmes constatations s’appliquent certainement.

Rappelons que la maladie de Parkinson, une maladie neurodégénérative, a été reconnue comme maladie professionnelle pour les agriculteurs en France en 2013. En 2018, une autre étude montrait que les riverains de zones agricoles étaient également plus sujets à cette maladie.

Le personnel naviguant respirant régulièrement ces substances pourrait-il aussi être touché ?

C’est ce que pense Brett Vollus, steward pendant 27 ans, atteint à 52 ans de la maladie de Parkinson. Il a attaqué la compagnie aérienne australienne Quantas en 2013, mettant en avant le risque que présentent les insecticides pulvérisés dans les avions pour le développement de cette maladie. Je n’ai pas réussi à trouver où en était l’affaire, ni si un jugement avait été rendu.

A l’heure où les différentes maladies se propagent de par le monde en bateau ou en avion, il est certainement important de limiter les vecteurs comme les moustiques.

Cependant, au vu des risques que présentent les pesticides, et surtout les insecticides, des études à long-terme sur la santé des personnes exposées régulièrement dans les avions me paraîtraient indispensables.

A ma connaissance, il n’y en a pas.

Article posté le 19 novembre 2025 par Nathalie Chèvre, maître d’enseignement et de recherche à l’Université de Lausanne, Suisse.

Références :
Queyriaux et al. 2009. Paludisme d’aéroport. Airport malaria. La Presse Médicale 38: 1106-1109.

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